Cinq
religieuses arrivent dans une région isolée de l'Himalaya, avec la ferme
intention d'y fonder une école et un dispensaire. La première, soeur Clodagh,
une femme particulièrement volontaire, tient tête au représentant anglais,
monsieur Dean, qui pense que la saison des pluies contraindra bien vite les
religieuses au départ. Une autre nonne, soeur Ruth, s'éprend de Dean, qui
n'éprouve pas le moindre sentiment pour elle et la rend involontairement
jalouse de soeur Clodagh. La pauvre femme, éconduite, devient peu à peu démente
et n'hésite pas à agresser soeur Clodagh dans le clocher de la mission, puis
tente de la précipiter dans le vide...
Sorti
en 1947, année de l'indépendance de l'Inde ou se situe le film, ce sublime Narcisse noir, production des studios
The Archer signé par le grand Michael Powell – Les chaussons rouges, Les
contes d'Hoffman – place une communauté religieuse de nonnes tentant en
territoire étranger d'éduquer une population locale récalcitrante, et à la
pratique de leur langue, l anglais, et à leurs coutumes et religion. Nonnes se
montrant elles-mêmes non seulement incapables de s'intéresser à l'altérité mais
tenant absolument à tenir toutes leurs singularités a distance.
Leur
monastère-prison malicieusement fut construit dans un ancien harem, et le film
regorge de ces appels des sens, personnifies par ce go-between Mister Dean,
lequel a réussi à s'intégrer aux coutumes et populations locales et personnifie
le désir à l'état brut pour ces femmes qui ont fait vœu de chasteté.
La
Montagne de l'Himalaya, somptueusement imposante, se dresse entre ces nonnes à velléités
colonialistes et leurs desseins. Inaptes à faire autre chose que ce qu'on leur
a inculqué, elles se montrent triplement fermées et donc en elles-mêmes enfermées.
Aux habitants de cette Inde qu'elles traversent en se préservant de sa réalité intrinsèque.
A la nature elle-même qu'elles fuient pour lui préférer les geôles du monastère,
lequel est construit sur un précipice. A leur nature profonde de femme en désir
et en amour. Ce qui va pour ce troisième angle créer la scission et la schizophrénique
plongée dans la folie de l une d'elles.
Se
cloitrer équivaut à se perdre et à faire en soi monter la tentation du mal, tel
est le propos, tel est ce fameux narcisse noir du titre, fleur vénéneuse poussant
sur la frustration et l'isolement. La quête de bien est un gant qui peut se
retourner contre celui ou celle qui, trop enfermé dans ses certitudes, passe a
cote de la vie sous toutes ses formes, à son propre péril. Sœur Ruth incarnera à
son ame défendant cette déchéance de l Empire de Dieu comme de l'Empire
Britannique en déclin. Le poison a gagne le cœur, et le combat entre les sœurs,
de nuit, au sommet du clocher, l'une voulant précipiter l'autre dans les abimes,
représentant ainsi la tentative du mal de précipiter la chute du bien, de l'exterminer.
Visuellement
somptueux, avec ces couleurs si vives et ces ombres si fascinantes, ce Narcisse Noir, chef d'œuvre absolu du
grand cinéma britannique de l'après-guerre, marque par sa modernité intemporelle.
Son message est d'actualité, alors que les nouveaux colons de l'occident
lancent leurs rets sur d'autres cultures pour mieux les réduire a néant. L'avertissement
de Powell est clair et mériterait être entendu.
Merci pour toutes ces références de films de qualité et pour vos commentaires associés, Christophe,ce sont des films que j apprécie beaucoup que vous évoquez et que parfois je ne connaissais pas,tel ce très beau "Narcisse noir" dont je me suis empressé de découvrir quelques extraits révélateurs sur youtube et qui m ont donné idée d'une ambiance envoûtante de l oeuvre.
RépondreSupprimer(Le locataire de Polanski que vous citez plus haut:quelle atmosphère oppressante et fascinante notamment dans les scènes et silences nocturnes où la personnalité se disloque en un reflet du personnage central dans les toilettes.Une ambiance de bouffée délirante.)
Cordialement
LOUIS