A
l'hôpital de Lion's View, le docteur Cukrowicz pratique dans des conditions
vétustes la psychiatrie et la neurochirurgie. Le directeur lui annonce que
Violet Venable, une riche veuve, lègue un million de dollars à l'établissement,
à condition que Cukrowicz accepte de pratiquer une lobotomie sur sa nièce,
Catherine. La jeune fille, traumatisée par la mort récente de son cousin Sébastien,
a sombré dans la folie. Le jeune médecin s'efforce alors de provoquer chez sa
patiente le souvenir de la scène fatale. C'est ainsi qu'il découvre peu à peu
une troublante vérité que tous s'entendent, par intérêt, à lui tenir cachée, et
dont l'innocente Catherine pourrait bien être la victime...
Adaptation
brillantissime d'une pièce magistrale de Tennessee Williams, ce chef d'œuvre
signé Joseph Mankiewicz , œuvre au noir au cœur d'un été o combien trouble décortique
un monde fait d'illusions, de manigances, d amour vénéneux et de corruption des
ames. La mante religieuse jouée par Katharine Hepburn – un rôle aux antipodes
de son image – règne d'une main de fer, telle une Catherine de Médicis, sur un
monde clos et notamment sur un fils profondément malade de son fait à elle.
Afin de maintenir le joug à la fois sur lui et sur l'illusion, telle une
maquerelle perverse, elle facilitera ses tendances tout en étouffant celles-ci
aux yeux du monde, et jouera de son pouvoir financier pour tenter d'anéantir
toute possibilité pour sa nièce, témoin de la scène de crime, de mettre en mots
l'indicible.
La
psychiatrie, lors, est fort heureusement, contrairement à bien des cas observés
en ce bas monde, utilisé à dessein dans un sens bénéfique de dévoilement, c
est-a-dire de libération du trauma. Montgomery Cliff, au visage quasi défiguré
par l'alcool et les drogues, met en échec le plan maléfique et s'en vient pas-à-pas
libérer sa patiente afin de faire émerger le souvenir. Lequel, vers la fin,
explosera dans une scène d'une dizaine de minutes absolument sidérante, à
tomber par terre tellement dans ce qu’elle montre et dans la manière dont Mankiewicz
la met en scène – et en musique ! – elle est traumatisante pour nous
spectateurs.
L'on
reconnaît à la fois le monde selon Tennessee Williams et le monde selon
Mankiewicz. Les ressorts communs aux deux oeuvres de ces deux grands
portraitistes quelque peu désabusées du mal occidental et de la perversion des élites
sautent aux yeux et ici au cœur. Nulle grandiloquence dans cette théâtralité assumée
que le cinéaste traduit en plans fascinants. Propriété immense de la mère, posée
en son jardin telle la reine des araignées, visage impassible, œil mi-ouvert
mi-clos, voix tantôt caresse tantôt scalpel … Asile aux plafonds hauts au sein
duquel se répondent les voix en écho, conscient, inconscient, subconscient.
Visage bouleversant toujours au bord de l'abime d'une Elizabeth Taylor
absolument sublime.
Et
ce soudain, l'été dernier, cette séquence inoubliable qui s'en va chercher aux
racines de la barbarie la plus atroce, une scène terrifiante et en cela
inoubliable.
La
parole libérée permettra de changer de saison, la propriété du mensonge se
refermera sur elle-même, et à compter de, la vie, tout du moins une vie, pourra
reprendre.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire