J'écris comme je vis, c'est à dire intensément. Je n'écris jamais que quand c'est absolument nécessaire. J'écris pour jeter des ponts vers les autres. Je ne recherche aucune notoriété.
dimanche 25 mars 2018
Chefs d’oeuvre du 7ème art - Les ailes du désir
Berlin. La ville est peuplée d'anges que seuls les enfants semblent voir. Deux d'entre eux, Damiel et Cassiel, ont trouvé refuge dans une immense bibliothèque. Ils aimeraient aider les humains, murés dans leur solitude et leur silence, mais restent impuissants. Au hasard de ses errances, Damiel découvre Marion, trapéziste dans un petit cirque minable. Il en tombe amoureux et décide de devenir un homme pour qu'elle l'aime en retour. L'acteur Peter Falk est de passage à Berlin pour le tournage d'un film. Lui aussi fut un ange avant de choisir la condition de mortel. Sans le voir, il sent la présence de Damiel. Il l'encourage à abandonner ses ailes pour goûter aux plaisirs terrestres...
Dans la cité perdue à ciel ouvert ou les hommes seuls souffrent, pleurent, lisent dans d'immenses bibliotheques, broient du noir, parfois se suicident, deux anges en imperméable descendent et veillent sur eux, se penchent contre leurs coeurs, les lisent et les réconfortent. La capitale pas encore réunifiée, Berlin-Ouest donc, immenses terrains vagues, parkings, artères inhumaines, immeubles renfermés sur eux-mêmes ou les hommes s'isolent – cette cité du consumérisme ou chacun est en lutte avec chacun, est devenue aux yeux de Wim Wenders, qui y revient après quelques échappées splendides en terre d'Amérique – Hammett puis Paris Texas – une ville de souffrances.
La musique, envoutante, accompagne le texte de Peter Hanke et les immenses travelings caressant villes et corps, comme pour lire les ames. Les anges sont là, les anges sont parmi nous, les anges nous accompagnent, ils sont l'un et l'autre invisibles mais présents.
Ce long poème cinématographique quasi en noir et blanc – la couleur naitra de l'amour de la trapéziste vers la fin – est une des plus belles propositions cinématographiques qu il m'ait jamais été donné de voir ou plutot de vivre. Le cinéaste allié à son ami dramaturge deviennent des lecteurs d'ame et chaque spectateur ainsi embarqué à son tour LIT les coeurs, se fait frère de lumière de ces êtres qui peuvent, qui pourraient être nous à tel ou tel moment saisi de nos existences. Ces instants attrappés au vol, à tire d'aile, oui cet homme-là qui chante intérieurement une complainte, nous nous y re-connaissons.
L'aile de l'Ange qui sommeille en chacun de nous bat le ciel et la cadence, lente, caressante. Ange nous sommes, ange il y a en nous, Wenders joue sans mièvrerie aucune sur la capacité de projection propre au cinéma, ce processus naturel d'identification né de la projection sur grand écran. La rétine fait ainsi depuis l'oeil vers le coeur le cheminement et relie ceux qui sont sur l'écran à ceux qui assis contemplent, ressentent et compatissent. La connexion entre eux et nous donne à l'oeuvre sa dimension universelle.
En quête d'humanité – quitter son enveloppe pour nous rejoindre dans notre humaine condition – un des deux anges tombera amoureux de cette splendide trapéziste, elle aussi un ange qui s'ignore et qui haut dans le cirque, posée sur un filin, plane. D'en-bas nous la voyons gracieusement voltiger et voler. Elle aussi a pour mission de nous faire rêver et décoller en défiant les lois de la pesanteur.
Pesanteur et grace, pour reprendre le titre de cette oeuvre majeure de la grande Simone Weil. Dans les pas de laquelle Wenders pose ses pas.
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