En Suède, au début du
XXe siècle. Helena Ekdahl, propriétaire du théâtre d'Uppsala, a invité sa
famille et ses amis pour de somptueuses festivités de Noël. Ses trois fils sont
présents, Oscar, comédien médiocre, Gustav Adolf, éternel coureur de jupons, et
Carl, un professeur alcoolique. Parmi les petits-enfants qui prennent
joyeusement part à la fête, Fanny et Alexandre. Au cours d'une répétition, leur
père, Oscar, est victime d'une hémorragie cérébrale. Sa mort soudaine jette la
consternation dans la famille Ekdahl. L'évêque Edvard Vergerus célèbre les
funérailles. Il séduit Emilie, la jeune veuve, et bientôt l'épouse, au grand
effroi des enfants, qui redoutent son puritanisme obsessionnel...
Initialement film réalisé
pour la télévision et quatre parties et 5h45, transposé et donc réduit à 3
heures pour le cinéma, ce pur chef d'œuvre du grand Ingmar Bergman, de tous
temps mon film préféré, connut à sa sortie une cascade de prix aux quatre coins
du monde.
Loin des œuvres
complexes auxquelles nous avait habitué le cinéaste, Fanny et Alexandre se présente
comme un conte, presque un conte pour enfants, en tout cas clairement un film
sur l'enfance, sur la magie de l'enfance, comme une autobiographie fictionnelle
de Bergman au travers de cet Alexandre apprenti cinéaste qui vit dans une bulle
– c est plus que suggéré – à l'imagination si débordante qu’elle lui permettra grâce
à l'enseignement de l'Oncle Jacob de l'utiliser non seulement pour se sortir du
traquenard de l'Evêque Vergerus, mais aussi pour enflammer le maudit presbytère.
L'imagination donc,
celle des artistes, car Fanny et Alexandre sont membres d'une sublime et riche
et célèbre famille de grands comédiens, le père des enfants qui mourra à la
moitié du film est à la fois un immense acteur, un metteur en scène et le directeur
d'un grand théâtre appartenant à la famille.
Le film s'ouvre sur
une fête de noël, magistrale, ou toute la famille va se retrouver dans l'immense
demeure de la sublime grand-mère, une femme si bonne, si belle, si douce, une
femme amoureuse aussi de Jacob, de ce fameux oncle Jacob qui sauvera les
enfants avec sa malle magique.
Tous un à un
rejoignent après la représentation de Noel pour les habitants de la ville – une
reconstitution de la crèche de Noel ! – les immenses salons rouges ou le
buffet est installé sur une table avec facilement cinquante couverts. Autour,
le ballet des femmes de maison en noir et blanc, elles dinent dans la grande
cuisine, les membres de la famille viennent les voir et leur souhaiter un
joyeux noël, on sent le respect et l'amour entre maitres et serviteurs, l'un
des fils, truculent, couche d'ailleurs avec une d'elle, une jeune aux formes généreuses,
au rire franc, irrésistible, que les enfants adorent.
Cette demeure et
cette famille sont pour Fanny et Alexandre un véritable enchantement, et l'on
suit émerveillés cette enfance absolument sublime avec ces si belles personnes,
l'oncle pétomane, la mere si douce, le père si aimant, la grand-mère tendre,
Dieu du Ciel que c est beau, les scènes une à une nous accompagnent sur leurs
pas jusque dans la chambre d'enfants avec le petit projecteur d'ombres, la lumière
tamisée pour dormir, la mère qui se glisse pour leur lire une histoire etc.…
Dans la première
heure et quelques du film tant de beauté, on redevient l'enfant que l'on fut et
Bergman filme à leur hauteur, le petit sourire de la petite Fanny, les regards
tendres du jeune Alexandre dont on sent la richesse intérieure, l'enfant rêve éveillé,
imagine, invente, l'artiste en lui sommeille mais on le voit, on le sent, on le
surprend.
Merveilleux
enfants !
Puis ce cri, déchirant,
dans la nuit, les enfants traversent la maison et le cri de leur mère devient
de plus en plus atroce, elle hurle devant le corps du père décédé, on voit avec
les enfants de loin la porte ouverte et elle qui passe et repasse en hurlant,
la scène est déchirante, le film alors prend un tour neuf, les enfants
retiennent leurs larmes.
Cette scène d'adieu
au père, Alexandre qui recule, ne peut alors que son père vit ses derniers
instants prendre sa main, l'enfant file se terrer sous le lit en larmes, cette
peur absolue de la mort, la voir en face, la toucher presque … Alors lors de l'enterrement
ou des milliers de suédois tout en noir défilent, l'enfant pour se protéger récite
un chapelet de gros mots, crotte bite cul merde, et la petite Fanny alors
sourit. Tel un ange.
La mère va se faire
happer par l'Evêque ayant récité l'homélie, ce maudit évêque Vergerus, figure
de la haine et de l'hypocrisie catholique, un démon et un serpent qui se terre
sous de bonnes manières et sous son titre. De l'immense et chaleureuse maison
familiale la mère et les enfants passent au presbytère froid et austère ou vit
l'évêque avec sa mère et ses sœurs, ses deux sœurs, des vipères, mauvaises,
fourbes, et tous vont haïr les deux enfants, Alexandre surtout qui leur résiste
ne serait-ce que par ses regards ou la haine se lit, ce refus d'obéir et de se
laisser corrompre, alors ils vont s'acharner sur lui, le frapper avec une
baguette, le faire craquer, l'enfant pleure, fait semblant de céder mais se réfugie
dans l imaginaire.
L'imaginaire de l'artiste
qu’il deviendra, fils fidèle à l'ame de son propre père, cet homme magnifique.
La dernière partie,
la plus belle, nous fait littéralement pénétrer la magie, le merveilleux, le
spirituel et l'irrationnel. Monde merveilleux de l'antre de l'oncle Jacob, le
sous sol avec la pièce aux marionnettes, cet immense Dieu en bois qui se dresse
et avance vers Alexandre en pleine nuit puis tombe à terre, Dieu est mort, Dieu
est un pantin, le Dieu de Vergerus bien sur.
Puis cet ange
androgyne, Ismaël, cet ange aux pouvoirs de faire par la force de l'imaginaire
ce que l'on veut, détruire Vergerus, faire bruler le presbytère, la lampe de la
mère malade qui tombe et embrase tout, elle, son lit, la silhouette hurlante de
la malade qui tombe dans les bras de l évêque et l'embrase. Lui qui aveuglé
dans sa dernière scène avec son épouse prête à enfin fuir pleurait en lui
disant que son masque était si enfoncé dans sa chair qu’il lui était désormais
impossible de l'ôter.
Tant de beauté, tant
de profondeur, de personnages sublimes, ces deux enfants et ce qui leur arrive,
vraiment ce film est inoubliable, je l ai vu en entier plus de 50 fois, je
connais chacune de ses scènes par cœur, je vibre avec Alexandre comme je n'ai
jamais autant vibré avec un personnage de film, lui et mois sommes UN et UN
SEUL. A jamais.
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