Issue
d’une famille fortunée (son père, officier, était un ami du prince Rainier et
elle passa son enfance à Monaco), l’ardente Fanny Ardant naquit à mes yeux grâce
à ce merveilleux feuilleton de Nina Companez, Les Dames de la cote, en 1978. Déjà (elle devait avoir trente ans,
et tomba un peu tard dans le métier d’acteur après des études à Sciences Po), dès
ce rôle, elle était différente, très différente, anachronique, racée, avec ce
regard et cette voix chaudes, cette bouche somptueuse, comme une Duchesse de
Guermantes égarée dans un cinéma français dont les stars de l’époque (Annie
Girardot ou la Romy de Sautet) flirtaient bon le populaire.
Truffaut
la remarqua, l engagea pour La femme d’à
côté, elle devint Mathilde aux côtés de celui qui allait devenir son
partenaire attitré, le grand Depardieu. Ce rôle – mythique – d amoureuse passionnée
qui va jusqu’à la mort, son premier premier rôle au cinéma, la plaça instantanément
au sommet. Devenu son compagnon, le même Truffaut deux ans plus tard nous fit découvrir
ses talents de comédie dans un bijou en noir et blanc – Vivement dimanche – ou il la réinvente en une sœur française de
Lauren Baccal. Aux côtés de Jean-Louis Trintignant, Fanny étincelle et ses
jambes immenses comme des compas (qui sillonnent le monde et lui donnent son équilibre,
sic), fascinent.
Elle
fut la muse et la dernière compagne du metteur en scène des 400 coups. Pleurant son disparu, elle s’en
alla chez Resnais aux côtés de Vittorio Gassman (la vie est un roman)
puis de Dussolier, Arditi et Azéma (la
vie est un roman, L’amour à mort, ou elle joue la femme d’un pasteur avec
une gravite surprenante, enfin Mélo).
Incarna comme il se devait (le rôle était pour elle) la Duchesse de Guermantes
aux côtés d’Alain Delon et de Jeremy Irons. Se et nous divertit avec Johny
Hallyday (Conseil de famille de
Costa Gavras). Enfin retrouva Gassman chez Ettore Scola dans La famille.
Il
fallut attendre 1994 pour la retrouver dans un rôle à sa hauteur. Ce fut
Balzac, Le colonel Chabert et
Depardieu. On la découvrit cassante et machiavélique, en un mot balzacienne.
Antonioni l engagea pour Par-delà les
nuages, en quelques scènes elle creva l’écran. Puis ce furent (la même année)
deux triomphes, Pédale douce, une comédie
ou elle explose son image puis Ridicule,
un des meilleurs Leconte. Un césar enfin, le seul à ce jour, pour le premier –
amplement mérité.
Plus
discrète depuis. 8 femmes bien sûr, évidemment.
Dont elle est le diamant, éclipsant jusqu’à Deneuve en la renversant
amoureusement a même le sol – culte. Callas
Forever – qui d’autre pouvait, le film se laisse voir uniquement grâce à
elle, elle est le rôle, la Callas c’est elle, ardente, explosive, passionnée, blessée,
coupante, exaltée et exaltante.
Le
feu Ardant se consume et consume rôles et partenaires, l’intensité est chez
Fanny le minimum syndical, éteindre une lampe chez elle, un simple mouvement
comme ça, le bras qui se tend, tout un poème. Aristocrate, impératrice, impériale :
il y a en elle un sentiment d’urgence et d’absolu, celui de Mathilde, de la
Callas, celui de son personnage si drôle de Pédale douce, qu’on ne peut, qu’on l’aime
ou pas, que se retourner sur son passage. Grande, très, élégante, très, racée, très,
différente très.
Regardez
cet extrait de télévision ou à l’occasion de la sortie de sa réalisation Le lit de Staline elle attaque la vassalisation des journalistes à l’Oncle
Sam et la pensée unique. Elle n’y va pas par quatre chemins, comme Depardieu
mais avec un style bien diffèrent, et personne n’ose lui rétorquer quoi que ce soit
tant elle en impose. Ne faisant pas de politique mais éprise de l’âme et de la culture
russes, cette admiratrice de Tolstoï et de Tourgueniev ne peut en effet que se
rebeller contre la crétinisation en cours et crier haut et fort son amour (et
combien je la comprends) pour l’immense Russie. Jamais o grand jamais Fanny l’ardente
dont la vie est un roman ne se soumettra à l’ordre établi. Maitrisant à merveille
le savoir vivre et ses codes, elle entrera toujours la tête haute et sortira
sur la pointe des pieds coupe à la main si d’aventure la conversation l’ennuie.
Aussi
simplement qu’avec noblesse. Femme d’à côtépour l’éternité.
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