Elle s’arrêta
essoufflée devant le seuil de l’immeuble. Une immense porte de fer
rouillé, aux
battants entrouverts, s’ouvrit sur une petite cour pavée de laquelle
partaient deux
cages d’escalier. Un seau d’eau et un balai avaient été
abandonnés. De
grands sacs de chantier remplis de ciment étaient posés en
vrac, dans
l’entrée.
Elle demeura
songeuse. C’était bien ici, elle était certaine de ne point s’être
trompée.
Instinctivement
elle orienta ses pas vers l’entrée au fond de la cour. La rampe
venait d’être
cirée, ça sentait fort l’encaustique. Prenant soin de ne pas faire
grincer le
parquet, elle monta une à une les marches.
Elle s’arrêta à
chaque étage, devant chaque porte, pour y lire les noms avec
attention. Mais,
arrivant au sommet, et ne trouvant rien, elle rebroussa chemin.
Soudain, au
deuxième étage, elle perçut des échos de voix. Retenant son
souffle, elle se
pencha par la rambarde.
Deux ouvriers
venaient de surgir au rez de chaussée. Ils portaient à bout de bras
de gros sacs
qu’ils traînaient péniblement au dehors. D’autres sons provenaient
du sous-sol, des
bruits de portes qui claquent. Elle se faufila sur la pointe des pieds
jusqu’à l’entrée,
et découvrit, dissimulée derrière l’escalier, une porte entrouverte.
Elle descendit
quelques marches et se trouva nez à nez avec un policier, posté à
l’entrée.
« Eh, mais on se
connaît ! Eh bien ma petite dame, qu’est ce qu’on fait là ? C’est
trop tard, il
vient de partir !
- Je … je suis en
retard, alors ?
- Il a pas de
temps à perdre, l’inspecteur ! Ils ont emmené le corps ! Enfin, ce
qu’on en devine,
vu ce qu’on a trouvé avant hier, ça a pas été de trop de
s’y mettre à
quatre pour le sortir de là ! C’est bien votre patron que vous
cherchez ? »
Anna scrutait les
lieux avec attention. C’était un grand espace vide, sans
fenêtres, aux
murs de pierre. Des chandeliers posés au sol éclairaient l’obscurité.
« Il m’a demandé
de le rejoindre ici. Je ne sais absolument pas pourquoi…
- Je suppose
qu’il veut vous faire bosser avec ce type, là-bas !
- Quel type ?
- Le légiste !
Pensez, un gars côté dans les arts qui se fait ensevelir, on sort la
grosse artillerie
! Ca a pas arrêté, hier… Tous ces gens, qui venaient faire leur
petit tour… Vous
auriez vu leur tête ! Dans le chantier qu’y avait ! Y avait
même ce gars du
Ministère, Di Maggio ! Sacrément excité, et tellement casse
pied, avec ses
questions, qu’on l’a presque mis dehors de force…
- Ca m’a pourtant
l’air complètement vide ici…
- Ouais ! Le
vieux, vraisemblablement, avait perdu les pédales. C’était plus un
atelier, c’était
un vrai carnage. Il avait tout massacré, le mobilier, les statues,
tout ! Les gars
ont presque fini, mais hier on a sorti des caisses entières !
- Qu’est-ce qui
vous fait dire que c’est lui qui a fait ça ?
- Ca, pardi,
juste un peu de bon sens … Ici c’était la caverne d’Ali Baba,
y’avait de quoi
meubler trois salles du Louvre avec ce qu’on a retrouvé en
mille morceaux !
Quel gâchis ! Paraît qu’il avait la main ! Enfin moi, pour ce
que je m’y
connais…
- Vous allez
rester longtemps ?
- Oh ça ! Le gars
des analyses a dormi sur place, moi je suis là pour surveiller. Je
sais pas trop ce
qu’il trafique, à fouiller les détritus et à retourner les papiers…
Ce genre de
fouineurs, ça connaît pas de repos…D’autant que là, y a du
beau linge qui
rôde… Va y avoir foule, demain, au Père Lachaise !
- Ah, ponctua-t-elle
en retenant sa curiosité. Finalement c’est demain…
- A quinze
heures, au crématorium, à supposer qu’ils aient fini de nettoyer le
corps. Va falloir
être sacrément minutieux pour pas le réduire en bouillie ! »
Un bruit de pas
s’approcha d’eux, et Anna aperçut une silhouette se détacher
de l’obscurité.
« Eh, monsieur le
légiste, on vous a envoyé du renfort !, le héla-t-il en faisant
résonner sa
grosse voix dans l’atelier.
- Vous dîtes ? »
L’homme avait
fixé aussitôt Anna, qui à la seconde où leurs yeux se croisèrent
frissonna. Sans réfléchir, elle bondit aussitôt au dehors
et s’enfuit en courant.
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