Laure s’éveilla
en sursaut. Charles se tenait face à elle, accroupi sur le rebord du lit, nu,
et le visage traversé d’ombres. Ils étaient rentrés à Paris quelques heures
auparavant, et avaient tous regagné la maison de Yolanda. Au dehors, le froid
était glaçant.
« Qu’est-ce
qui t’arrive, demanda t-il en se penchant vers elle.
-
Et à toi ?
-
Tu te
doutes ? »
Elle chercha
l’interrupteur et alluma la petite lampe dez chevet.
« Oui,
murmura t-elle en le regardant avec gravité.
-
Tu as vu ?
-
Oui. Oui mon amour.
Oui, j’ai vu ».
Il vit son
visage soudain traversé par une immense tristesse.
« Cela
fait longtemps que tu… ?, osa t-elle avant de s’interrompre, trop effrayée
des mots qu’elle allait prononcer.
-
Quelques années.
-
Et tu penses que…
-
Contre moi même.
-
Que veux-tu dire,
Charles ? »
Il se leva,
l’invita à le suivre, et colla soudain son front contre la vitre de la fenêtre
donnant sur le petit jardin.
« Tu sens,
ce froid ?
-
C’était ça, que je
sentais, dans mon rêve…
-
Pourtant…, mumura
Charles.
-
Oui pourtant… On ne
peut pas dire qu’il fasse froid, là-bas…
-
Et pourtant, c’était
glacé.
-
Oui. Mais pas que.
-
Brûlant aussi. Les deux
en fait. Comme une collision des opposés. Un choc. Quelque chose qui fait que
la Terre s’ouvre en deux.
-
Expedit…, balbutia
t-elle. C’était si…
-
Voilà. En deux je te
dis. En deux »
Il la retint
avant qu’elle ne tombe à terre, et eut le réflexe de maintenir sa main droite
fermement sur sa bouche pour retenir les hurlements qu’elle poussait.
L’agrippant par la taille, il vint se poster au dessus d’elle qui, à terre,
étouffant ses cris et ses larmes, suffoquait.
« Calme,
calme, murmura t-il en tâchant au mieux de contenir cette horreur qui d’elle se
déversait jusqu’à maculer la moquette. Ma puce, calme, calme-toi »
Il comprit
combien elle souffrait, là, combien. Et se souvint combien pour lui ce fut,
plus que dur, plus que traumatisant, plus que tout, quand, la Première Foi-s
(il avait six ans) : il avait VU.
« Je vais
Te dire, murmura t-il. Je vais Te dire. Je vais Te dire tout bas. A l’oreille.
A toi. Rien que Toi et Moi. Mais pour ça il faut que (t)u (t)e calmes. Ne
(t)’inquiètes pas. Je sais, mais c’est inéluctable. In-éluctable »
Il la fit se
redresser. Elle s’était comme vidée de ses larmes, et son visage dévasté fut
soudain ré-Allumé par une minuscule Lueur au fond de l’œil.
« Oui, balbutia
t-elle.
-
Viens », fit-il en
l’invitant à le suivre jusqu’à une petite table et à s’asseoir face à face sur
deux chaises.
Elle parvint à
se tenir assise, et le regarda comme on contemple un astre.
« Ta sœur.
Ca va commencer par elle.
-
Ca je sais.
-
Ca va ensuite…
-
Oui ça aussi je sais.
J’ai compris.
-
Et…
-
Nous…
-
Oui. Nous tous. Nous y
serons contraints.
-
Pour notre plus grand
malheur.
-
C’est inéluctable
-
Nous n’y pouvons
rien ?
-
Et ne pouvons rien y
faire
-
Même pas y
échapper ?
-
Ce n’est pas possible,
et tu le sais
-
Echapper au
destin ?
-
Le fuir, c’est
l’assurance qu’il te rattrape et te le fasse payer mille fois plus cher.
-
A trop se protéger…
-
Mieux vaut trop se
livrer que ça. Mieux vaut ça. Vraiment. Au moins tu souffres, tu cries, tu te
lamentes, tu deviens quoi, tout, même le pire, barbare, oui, barbare, jusqu’à
découper un enfant à la machette. Mais ça sort, et ça nettoie. Une bonne fois
pour toutes !
-
Tandis que quand tu te
protèges…
-
Quand tu te protèges
trop, Laure. Se protéger est, plus qu’utile : nécessaire. Mais point trop
n’en faut !
-
Là tu te glaces, et là
tu te perds. Tu deviens ton mental. Et tu te fermes. Tu te fermes …
-
… A l’autre, poursuivit
Charles. A un point inimaginable. Jusqu’à commettre des
H.o.r.R .e.u.R…(…s)
Des choses que l’Ethique-la-plus-élémentaire
condamne. PIRES
que ce qu’on nomme (actes) Barbares. PIRE
(Vrai-Ment) car tu te RESSENS RIEN, ne vois RIEN, RIEN
que (toi), dans ce qu’il y a de PIRE en (toi)…
(ce
démon déguisé en ange)
Car ce qu’on nomme (ICI)
Barbarie, ce ne sont que des (DEMONS) qui prennent
(un instant) possession de (TOI), avant de s’en aller…
(puis de revenir, puis de s’en aller à
nouveau).
Tandis que quand TU deviens (froiD !!!)
du Dedans,
TU en viens à dire faire le Bien, et faire le maL, le plus sincèrement du
MondE.
-
Et donc…
-
Et donc c’est comme si
le (DEMON)
avait établi son gite (en Toi).
Et que Tu
ne le savais pas. Et TE voilà entraîné du Mauvais Versant,
non
seulement sans le savoir (mais en étant)persuadé de
TA
Clair-Voyance- C’est ce qu’il te souffle à
l’oreille (le Malin)
(Il
te dit) : Contrôle mon ami, con(t)-rôle.
Sous-Pèse, Calcule, Anti-cipe, ré-Fléchis. Et surtout (garde
la tête froide). Ca, vraiment, ça, c’est l’HORREUR.
L’hORrEuR
aBsOlUe.
-
Qui d’entre eux deux à
ton avis ?
-
Suzanna c’est la Gla(ss).
Et Pierre le f’-Eux. Et donc…
-
J’ai compris.
-
Et donc Expédit, oui.
Oui. En D’Eux. Mais voilà. Il survivra. Et Sur-Vivra.
-
Tu en es certain ?
-
Certain, oui.
-
Et Valérian ?
-
Celui-là ?
L’€nfer !
-
Quoi l’€nfer ?
-
Une (Hydre)
à la tête d’(agneau). Mais aussi étonnant
que cela puisse paraître, et en dépit de toutes les (HoRrEuRs)…,
Il est B/C(on).
Je veux dire : Au Dedans. Sauf que voilà. La pomme est déjà
(pourrie). Ils sont semé la graîne, à eux 2.
Sa Bonté
est déjà, plus que maculée : pervertie. Et quand
enfin…, il sera trop tard. Ton ressenti ?
-
Je trouve aussi. C’est
juste que sa mère…
-
Ne l’accuse pas. Elle
n’est pas consciente de lui envoyer (ces ondes-là). El rien ne dit que (ces
ondes) sont (mauvaises en soi !)
-
Pierre est tout autant
responsable.
- Le
gosse reçoit des (messages contradictoires)
/ en permanence. Ca se brouille / dans son cerveau. Il a trois ans / et déjà on le
sait. Il va / à un moment
basculer. Il va… Mon Dieu, le pauvre gosse ! Il va faire /
un-de-ces-M.A(â)L(€)s, celui-là. Mais IN FINE … Pauvre gosse !
PAUVRE
GOSSE (!)
-
Il me fout les jetons,
Charles. Vraiment. Parfois j’ai envie de …
-
J’ai vu. Je ne t’ai
jamais vu violente. Tu sembles à chaque fois te retenir. J’ai l’impression que
tu le hais, alors que tu passes tout à ses parents. T’es injuste, tu sais.
-
Oui mais là c’est trop…
C’est bien malgré moi, je te jure. Dès que je m’en approche, je sens que ça
pue, dedans, c’est insupportable, tellement c’est glauque, ce que je ressens à
son contact.
-
Faut que tu grandisses,
poupée. C’est pas juste ce que tu dis. Pas juste. Il est pas que mauvais,
Valérian. Et puis ce que tu sens, désolé, mais c’est ta peur. Le gosse, je te
jure, pour l’instant, il pue pas. Il sent même assez bon. Même quand il pousse
son frère par terre, ça reste encore du domaine du jeu. Non, ça viendra après,
ce que tu dis. On en est vraiment pas là »
Se levant, il
l’invita à rejoindre le lit.
« Charles
que fais tu ?
-
Ben quoi ? T’as
pas sommeil.
-
Eh bien ?
-
Eh bien ma foi, que
veux-tu qu’on fasse ?
-
Je ne sais pas, murmura
t-elle en écarquillant les yeux.
-
L’Amour !,
fit-il en fondant dans ses bras. L’amour ! »
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