Les Etoiles ne
meurent jamais, elles demeurent pour l’éternité du moment que sur Terre
existent celles et ceux qui contemplant
leurs œuvres les font vivre et revivre. Au contraire des idoles qui aveuglent, celles-ci
nous éclairent. Ainsi le corps de Jeanne s’est éteint tandis que sa lumière
continue à se dispenser et a nous réchauffer. Souvenirs de si beaux films,
notes entêtantes du Tourbillon de la vie. La Catherine de Jules et Jim court
toujours sur le pont avec sa petite moustache dessinée en grillant la politesse
à ses deux compères.
Jeanne Moreau eut
une carrière d’une incroyable richesse, et d’une exigence rare. Jugez plutôt.
Orson Welles, Antonioni, Losey, Truffaut, Fassbinder, Louis Malle, Jacques
Becker, Peter Brook, Henri Decoin, Jacques Demy, Luis Buñuel, Rainer
Fassbinder, Marcel Ophuls, John Frankenheimer, Jean Renoir, Marguerite Duras, André
Téchiné… La liste est loin d’être exhaustive. Qui peut aligner pareil carnet de
bal de nos jours, pas grand monde. Des choix de cinéphile, des auteurs, des
grands et de bien des origines différentes. Ce petit astre français à la voix
reconnaissable entre mille et qui débuta au Conservatoire National Supérieur d’Art
Dramatique à Paris est devenue très jeune un mythe, tout en demeurant de bout
en bout une immense actrice. Il n y a qu’à la voir incarner Marguerite Duras
dans Cet amour-là, le très beau film
de Josée Dayan, pour s’en convaincre.
Sociétaire de la Comédie
Française elle la quittera pour rejoindre Jean Vilar à Avignon et y interpréter
notamment Le Cid. Puis à compter de
1950 percera au cinéma. Jusqu’à rencontrer successivement deux des maitres de
la nouvelle vague. Louis Malle tout d’abord avec Les amants et Ascenseur pour
l’échafaud, François Truffaut ensuite pour le Jules et Jim.
Grande séductrice
assumée, elle eut de très nombreuses liaisons avec de grands artistes,
partenaires, metteurs en scène, écrivains… Femme moderne avant l’heure guidant
sa vie, sa carrière comme ses amours de main de maitre, elle fut en quelque
sorte l’antithèse de Bardot, sa partenaire de Viva Maria de Louis Malle. Tout sauf une victime, une décideuse,
une fonceuse, avide de culture et de rencontres. Aussi douée au théâtre qu’au cinéma,
elle chanta, écrivit, mit en scène, produisit, donna naissance à des projets,
fit se rencontrer des gens, tira les ficelles. Sa modernité, incroyable quand
on pense à l’époque, est stupéfiante, et fut il me semble fort bien imitée par Isabelle
Huppert qui marche clairement dans ses pas, également par la magistrale
Beatrice Dalle.
Elle demeure une référence
et pour les femmes et pour les actrices, et pour les artistes en général. Celle
qui décide et fait les choix les plus exigeants, celle qui demeure curieuse et
est par ailleurs, comme le montre le superbe La vieille qui marchait dans la mer, capable d’autodérision. Grande
tragédienne, elle excelle tout autant dans le comique, ses performances chez Mocky valent plus que le détour.
Je la vis une
fois, une seule, sur les planches, à l’Odéon, en 1989. Elle incarnait La Célestine, sorte de monstre sacré à la morale abjecte, une ogresse, effrayante. C’est peu dire qu’elle irradiait, à
chaque réplique sa voix caverneuse électrisait. Un météorite, qui avalait tout
sur son passage. Ca a beau remonter a presque trente ans, le souvenir que j’en
garde est intact. Phénoménale.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire