lundi 31 juillet 2017

Lady Jeanne


Les Etoiles ne meurent jamais, elles demeurent pour l’éternité du moment que sur Terre existent celles et ceux  qui contemplant leurs œuvres les font vivre et revivre. Au contraire des idoles qui aveuglent, celles-ci nous éclairent. Ainsi le corps de Jeanne s’est éteint tandis que sa lumière continue à se dispenser et a nous réchauffer. Souvenirs de si beaux films, notes entêtantes du Tourbillon de la vie. La Catherine de Jules et Jim court toujours sur le pont avec sa petite moustache dessinée en grillant la politesse à ses deux compères.

Jeanne Moreau eut une carrière d’une incroyable richesse, et d’une exigence rare. Jugez plutôt. Orson Welles, Antonioni, Losey, Truffaut, Fassbinder, Louis Malle, Jacques Becker, Peter Brook, Henri Decoin, Jacques Demy, Luis Buñuel, Rainer Fassbinder, Marcel Ophuls, John Frankenheimer, Jean Renoir, Marguerite Duras, André Téchiné… La liste est loin d’être exhaustive. Qui peut aligner pareil carnet de bal de nos jours, pas grand monde. Des choix de cinéphile, des auteurs, des grands et de bien des origines différentes. Ce petit astre français à la voix reconnaissable entre mille et qui débuta au Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique à Paris est devenue très jeune un mythe, tout en demeurant de bout en bout une immense actrice. Il n y a qu’à la voir incarner Marguerite Duras dans Cet amour-là, le très beau film de Josée Dayan, pour s’en convaincre.

Sociétaire de la Comédie Française elle la quittera pour rejoindre Jean Vilar à Avignon et y interpréter notamment Le Cid. Puis à compter de 1950 percera au cinéma. Jusqu’à rencontrer successivement deux des maitres de la nouvelle vague. Louis Malle tout d’abord avec Les amants et Ascenseur pour l’échafaud, François Truffaut ensuite pour le Jules et Jim.

Grande séductrice assumée, elle eut de très nombreuses liaisons avec de grands artistes, partenaires, metteurs en scène, écrivains… Femme moderne avant l’heure guidant sa vie, sa carrière comme ses amours de main de maitre, elle fut en quelque sorte l’antithèse de Bardot, sa partenaire de Viva Maria de Louis Malle. Tout sauf une victime, une décideuse, une fonceuse, avide de culture et de rencontres. Aussi douée au théâtre qu’au cinéma, elle chanta, écrivit, mit en scène, produisit, donna naissance à des projets, fit se rencontrer des gens, tira les ficelles. Sa modernité, incroyable quand on pense à l’époque, est stupéfiante, et fut il me semble fort bien imitée par Isabelle Huppert qui marche clairement dans ses pas, également par la magistrale Beatrice Dalle.

Elle demeure une référence et pour les femmes et pour les actrices, et pour les artistes en général. Celle qui décide et fait les choix les plus exigeants, celle qui demeure curieuse et est par ailleurs, comme le montre le superbe La vieille qui marchait dans la mer, capable d’autodérision. Grande tragédienne, elle excelle tout autant dans le comique, ses  performances chez Mocky valent plus que le détour.


Je la vis une fois, une seule, sur les planches, à l’Odéon, en 1989. Elle incarnait La Célestine, sorte de monstre sacré à la morale abjecte, une ogresse, effrayante. C’est peu dire qu’elle irradiait, à chaque réplique sa voix caverneuse électrisait. Un météorite, qui avalait tout sur son passage. Ca a beau remonter a presque trente ans, le souvenir que j’en garde est intact. Phénoménale. 


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