François Mitterrand fut à mon sens élu
7 ans trop tard, avec un programme écrit dans les années 70 sur une base idéologique
des années 60 et appliquées au tout début des années 80, au commencement de l’ère
Reagan Thatcher. Trop tard donc : le socialisme à la française tel que défini
a Epinay ne dura que deux ans. Et les puissances de l’argent tant décriées par
l’ancien monarque dit de droit divin confisquèrent le rêve rose à compter d’une
parenthèse qui depuis jamais ne se referma.
Grande figure et grand président, il
fut toute sa vie durant prince de l’ l’ambigüité, dont il ne sortit jamais,
trop heureux d’écrire l’histoire et donc la sienne. Né à droite toute et mort à
gauche, collabo puis grand résistant, éternel opposant à De Gaulle dont il fut
pourtant comme monarque le fils spirituel, acharné fustigeur d’une Ve dont il
se revêtit sans rien céder, ennemi déclaré d’un argent auquel il fit plus que
des concessions et dont certaines figures louches l’attiraient comme le
papillon vers la lumière, européen convaincu porteur de paix et architecte du
loup dans la bergerie sans même l’avoir compris : il fut un homme du XXe pétri
de littérature et d’histoire incapable de comprendre que les temps avaient changé
et que dorénavant, loin d’être une variable d’ajustement, l’économie était devenue
maitre.
Atlantiste convaincu aimant beaucoup
Maggy Thatcher, il fut un allié de poids pour George Bush père et nous entraina
dans la mascarade de la Première Guerre du Golfe avec un indéniable panache. Tel
Jupiter, il conduisit nos armées dans des théâtres d’opérations ou les marionnettistes
invisibles cachaient les cartes, et comme stratège se crut et nous fit croire
en même temps que la grandeur de la France était intacte. Le verbe était là,
mais la réalité tout autre, et il fallut du temps au peuple pour entrevoir les
erreurs commises, et il y en eut beaucoup.
Son amitié indéfectible quoique souvent
critique envers Israël prit à rebours la tradition diplomatique nationale, et créa
de fait un mouvement de fond vers un monde unipolaire contraire aux
orientations de ses prédécesseurs de droite, plus enclins à parler à égale
distance avec tous, russes, irakiens, libyens, chinois etc…
D’une intelligence stupéfiante mais
moins machiavélique qu’on ne le dit, il réussit à maintenir une main gagnante
sur le volet intérieur et se fit souvent doubler en hauteur en dehors, du fait
d’un logiciel pas si reptilien en somme que ça. L’amour de lui-même et de la
vie, la passion pour l’homme, sincère, qu’il avait, sa quête mystique et ses
interrogations sur la mort, son passé sous l’occupation bien sûr, tout ceci
limita sans doute ses facultés à entrevoir aussi nettement les ennemis du
dehors que les pantins du dedans. Il gouverna au début, puis présida, dans son
second septennat de plus en plus loin, et davantage pour l’histoire et la place
qu’il y laisserait que pour nous, qu’en son palais il oublia peu à peu.
Il incarna puis porta en actes de
nombreuses conquêtes de libertés, indéniablement, sur les mœurs, sur la liberté
d’expression, tant d’autres. Mais ne put faire grand-chose contre cet ultra libéralisme
dont il ne comprenait en toute vraisemblance ni les ressorts, ni la logique,
encore point l’esprit.
Malade puis mourant, il finit un an après
son départ de l’Elysée par susciter à nouveau une émotion collective assez
impressionnante dans le pays. Il avait marqué son temps et fini par obtenir
respect et émotion d’un peuple avec lequel et pour lequel il s’était bien
battu, à partir de plusieurs camps antagonistes. Son incarnation de la fonction
fait consensus, même si l’homme et le politique demeureront éternellement
sulfureux et sujets à critiques.
Il demeure à mes yeux une référence,
comme un repère, un de ces monolithes dont il n’existe plus un seul modèle en
stock. Et une assez bonne synthèse de tous les défauts et toutes les qualités françaises,
ambitions et prétentions comprises. A la fois sauveur de Robert Anthelme dans
des circonstances absolument bouleversantes, et porteur de la Francisque jouant
avec les faits sur des décennies, fort en colère et blessé la main prise dans
le sac. Un personnage de roman, un vrai. Il a mon respect.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire