vendredi 2 juin 2017

SUNDANCE / GENESE (8)


Elles le suivirent dans le hall immense d’un hôtel particulier du VIIème arrondissement, à la façade zébrée par l’ombre de la Tour Eiffel.
Leurs pas résonnèrent aux quatre coins de l’obscurité, laissant à peine apparaître les contours de statues inquiétantes, veillant à la sécurité des lieux.
Pierre gravit quatre à quatre les marches de marbre d’un escalier impressionnant, sans feindre d’attendre ses invitées à la traîne.
« On est où, lâcha Suzanna, essoufflée de s’être hissée de trois étages en s’accrochant à la rampe.
- Ici c’est l’antre de Poings Sans Mains, répondit Pierre en cherchant à tâtons la poignée de la lourde porte qui se dressait devant eux.
- C’est quoi ça, Poings Sans Mains ?, répondit-elle en saisissant la main de Laure.
- Le Vieux ! Entrez »
Il appuya sur un interrupteur, et découvrit une salle aux dimensions impressionnantes, salon bibliothèque aux plafonds hauts de cinq mètres, et aux sols recouverts de tapis jonchés de livres.
« On vit là, avec le petit frère. Vous risquez pas de le croiser de sitôt. Il dort le jour, et disparaît la nuit. Le Vieux a besoin d’un pied-à-terre pour ses affaires, mais il est rarement ici. Quand il pointe son nez, on déguerpit »
 Il se dirigea vers un buffet couvert de poussière, et en sortit trois verres et une bouteille de rhum.
« On continue ?, fit il en faisant tinter le cristal. Pas mauvais, pour réchauffer les entrailles ! Là-bas, ça coule comme le lait du sein des femmes. »
Otant sa veste, il attrapa à pleines mains sa longue chevelure, et habilement parvint à l’attacher en crinière. Puis, d’un geste, il les invita à s’asseoir.
« C’est bien que tu sois venue aussi, dit-il à Laure. C’est bien pour elle, c’est bien pour moi aussi. J’aime pas me précipiter, tu vois, et la petite à côté, elle va trop vite.
- Ça te dérange, si je suis là ?, l’interrompit Suzanna. - Ca me plait, que tu sois là. Et tu le sais. Pourquoi poses-tu des questions aussi bêtes ?
- Parce que j’en suis une, de Bête, maugréa-t-elle en pinçant ses lèvres et en passant sa langue sur les commissures.
- Tu parles qu’on s’est flairés ! A votre santé, mes belles ! » Ce fut Laure qui, pour casser la gêne, osa. « Qu’est-ce qu’il fait, ici, votre père ? »
Pierre sourit.
« Tu t’intéresses, toi … Bah, rien de bien glorieux ! C’est comme une base. Une base pour le reste. C’est pas de là qu’il tire son fric, enfin, pas officiellement … Il s’occupe de la cave : la cave des parlementaires… C’est que ça boit, ces mecs-là. Et pas qu’un peu. Et pas de la piquette ! Mon frangin dit que c’est de là qu’il tire ses ficelles, le Vieux. Et vu ce que le Vieux lui a fait, à mon frère, on peut lui faire confiance, pour voir le mal là où il est ».
Ces dernières paroles tirèrent Suzanna de sa torpeur. « Raconte ! - Qu’est-ce que ça peut bien te faire ? »
Elle feignit l’étonnement.
« Mais … rien !
- T’es bizarre, toi. Vraiment bizarre, pour une fille de ton âge. »
Il comprit qu’il l’avait touchée à l’endroit qu’il fallait. S’approchant d’elle, et venant se lover, il la palpa.
« J’ai pas envie de dire, j’aime pas les gens qui disent ce qu’il faut pas savoir. Vaut mieux laisser le temps. Le temps des surprises. Le temps des cerises… »
Il la renversa sur elle-même et posa sa tête contre ses genoux.  
« C’est la première chose que j’ai vue d’elle, dit-il à Laure en caressant sa noire chevelure. La première… C’est beau, des cheveux de femme. C’est beau ! »
Il semblait si incroyablement doux… Laure frissonna d’aise, comme si ces mains s’étaient posées sur elle.
« Tu aimes ma nuque ?, miaula Suzanna, en s’abandonnant aux caresses. Il passa délicatement le pouce sur le fin duvet qui entourait son cou.
« Tout. J’aime tout. Comme les enfants, à qui on ne peut rien refuser. Tout, je te dis »
Laure sentit en elle monter les larmes, et, relevant son coude pour porter le verre à ses lèvres, les retint.
« Les perles de pluie se perdent dans les limbes
Ma joue contre ton cou que j’enserre
De mes mains t’épuiser, de tes seins me briser
Fallait-il vraiment que je te plaise ?
- Elle est belle, ta chanson, murmura Suzanna. Et tu chantes bien
- La voix, c’est la mienne. Mais les paroles, ça non.
- C’est de qui ?
- Sais pas. On chantait ça, autrefois, dans la cuisine, avec ma mère. Je te parle de ça, il y a un siècle. A cette époque que n’ont pas connue les petites filles en socquettes, elle chantait…
- Elle n’est plus ?, demanda Laure.
Il parut songeur, et retourna délicatement la chevalière à son annulaire.
« Qui sait… »
Suzanna, telle une chatte alertée par l’odeur de la chasse, se redressa. Elle se retourna, lui fit face, ouvrit la bouche, puis la referma aussitôt.
« Tu vois, j’apprends », se ravisa-t-elle, pas peu fière.
Il posa un baiser sur ses lèvres froides.
« Ta bouche sent le rhum. C’est bon… »
Elle se saisit de son verre, glissa un doigt dans le liquide et le passa sous son corsage jusqu’à frôler le téton.
« Voyons si tu apprends vite aussi ! »
Il avança sa main en direction de sa poitrine, plongea son regard dans celui de Laure, et d’un coup repoussa Suzanna dans le fond du canapé.
« Laure, j’ai une chambre pour toi, à l’étage. Avec un grand lit, de grands oreillers bien douillets, que tu pourras serrer au plus près de toi »
Laure ne surprit pas, sur le visage de sa sœur, passer l’ombre d’un regret. Elle se releva yeux baissés, et remarqua que ses escarpins blancs étaient maculés de boue.
« De mes mains te briser,
De tes seins m’épuiser.
Fallait-il vraiment que je te plaise ? », chantonna-t-il en les conduisant dans les couloirs.

Silhouettes épuisées suivant un Titan le long des murs de craie.


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- Christophe Cros Houplon Writer
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