Elle s’engouffra dans le hall du
ministère, un foulard noué autour de la tête, lunettes noires vissées, tête
baissée, talons claquant sur le marbre. L’huissier la héla mais elle fonça,
nerveuse, en direction de l’escalier, manquant de chuter dès la première
marche, et se retint à la rampe.
« C’est moi, imbécile, hurla-t-elle
tandis qu’il allait porter la main sur elle.
Sans se retourner, elle courut au
premier étage, traversa le salon, la bibliothèque, et entra sans frapper dans
la chambre de Laure.
« Suzanna !, cria celle-ci en
l’apercevant dans le vestibule. Suzanna, qu’est-ce qui t’est arrivé ? »
Elle posa Expédit dans son berceau,
qui se mit à hurler.
« Viens! », fit Laure en se
précipitant dans les bras de sa sœur, qui, se penchant, fit tomber ses lunettes
à terre.
Laure resta pétrifiée. Les yeux de
sa sœur, tuméfiés, étaient devenus deux énormes ecchymoses violacées.
« Qu’est-ce… ».
Elle n’eut pas la force d’en dire
plus.
Suzanna, à terre, ôta son foulard.
Elle était défigurée.
A cet instant, Expédit hurla, à se
déchirer les entrailles.
Elle se pencha en pleurs sur le
berceau. Dans le brouillard, tant ses yeux avaient été amochés, elle parvint à
entrapercevoir cet enfant qui était le sien, et qui, pour la première fois
depuis sa naissance, pleurait devant elle.
« Qu’as-tu ? Mais qu’as-tu ?, quémanda-t-elle
en versant de chaudes larmes.
- Il … sait !, répondit Laure en
hoquetant.
- Il sait quoi ? - Tout ! Ce qu’il
faut savoir. Il sait. Il sent. Et il pleure ! Pour sa maman.
- Pas possible … Ce n’est pas
possible…
- Et pourtant… »
Suzanna sentit une immense
tristesse, et eut envie de s’effondrer.
« On dirait qu’il me regarde…, articula-t-elle
avec peine.
- C’est cela. Il te regarde.
- Mais c’est absurde ! Il est
aveugle ! Aveugle ! »
Elle aurait voulu, mais ne pouvait
détourner son regard de l’enfant, qui à présent se recroquevillait en lui-même.
« J’ai si mal, sanglota-t-elle.
Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi il m’a fait ça ?
- Qui t’a fait ça ? ç
- Je ne sais pas…
- Mais Suzanna, tu n’as pas pu ne
pas voir ! Où était Pierre ?
- Là, lâcha-t-elle d’un souffle. Il
était là.
- Mon Dieu ! Et il n’a pas bougé ?
- Il était là. Et… »
Elle prit une longue inspiration,
regarda intensément Expédit, avança sa main vers son visage, et dit.
« Et pas là »
L’enfant, soudain, arrêta de crier.
Son visage s’éclaircit.
« Ce n’est pas Pierre, Laure. Ce
n’est pas Pierre !
- Suzanna, que dis-tu ? Que dis-tu,
je comprends rien… »
Elle plongea son regard vers celui
de son fils, et fit passer une main au travers des grilles du berceau.
« Tu le sais, toi. Ce n’est pas ton
papa ! Ce n’est pas ton papa qui a fait ça à ta maman ! »
Elle se pencha en avant, et sa
chevelure noire recouvrit l’enfant. Elle sentit ses petites mains s’y agripper.
Et soudain, elle s’effondra.
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