lundi 12 juin 2017

SUNDANCE / GENESE (20)


Suzanna entendit la lourde porte claquer, et les pas des bottes résonner sur le parquet. Il était dix-neuf heures, la nuit était déjà tombée.
« Ca fait des lustres …, cria-t-elle au moment où il entra dans le salon, Expédit dans ses bras.
- Ne crie pas si fort, il dort ! »
Il prit la direction de la chambre, et déposa le nourrisson dans son berceau.
« Pourquoi es-tu parti si longtemps ? Que s’est-il passé ?
- Tu n’avais qu’à venir.
- Ah ! » Il l’observa à la dérobée.
« Tu as encore quelques marques sur le visage.
- J’ai vu, merci ! Beau travail ! Ça va être joli quand je reprendrai les cours.
- Ne raconte pas n’importe quoi ! Tu en as encore pour au moins trois semaines ici.
- J’ai la peau fragile.
- Cette blague ! »
Il se servit un verre de whisky et fit tinter les glaçons.
« A la tienne !
- Tu ne me sers pas ?
- Pas d’alcool dans ton état.
- C’est pas ce que tu disais hier…
- Justement ! »
Il regarda son visage, et prit une inspiration.
« Ton père est charmant. On s’est bien entendus tous les deux. Vraiment.
- Ah oui ? »
Elle eut quelque peine à dissimuler son courroux.
« Tu as de la chance d’avoir un père comme lui.
- Il est faible !
- C’est pas l’impression qu’il m’a faite. Au contraire !
- Tu le connais pas aussi bien que moi.
- Ben justement ! Je vais avoir une sacrée occasion de te rattraper. »
Elle toussa.
« Quoi ?
- Oui. Une sacrée occasion.
- Qu’est- ce que… Il t’a acheté !
- Acheté … Tout de suite les grands mots. Quel pathos ! »
Il avala une gorgée et se rapprocha d’elle. Elle se tenait telle une chatte prête à griffer sur le rebord du canapé.
« J’entre dans les ordres, chérie !
- Hein ?
- Dans les ordres, ou dans les ors, plutôt ! Ton père me prend au Ministère pour mon stage.
- Répète ?
- Affute tes quenottes, minouche, tu me fais peur ! T’as bien compris. Ça commence en janvier. Dans trois semaines !
- Mais ça n’a rien à voir avec tes études, le Ministère de mon père !
- La Justice c’est soluble dans tout »
Elle se leva brusquement et à son tour se servit un verre.
« Tu ne devrais pas, vraiment…
- C’est lui je parie qui t’a proposé.
- Raté ! J’ai demandé, et il a dit oui sans hésitation.
- Je te crois pas. Tu mens !
- Demande-lui donc … »
Elle avala d’un trait le verre, et fut prise d’une quinte de toux.
« Je t’avais prévenue…
- Pourquoi vous me faites ça ?
- Faut bien ! »
La porte de l’entrée claqua à nouveau, et ils entendirent des pas.
« C’est Laure, dit Pierre. Elle rentre de là-bas.
- Celle-là elle va m’entendre. Tout est de sa faute !
- Tu lui dis un mot, je t’arrache la gueule !
- Essaie ! Essaie un peu pour voir !
- Ca sera moche, Suzanna. Tu vas vraiment pas aimer ça ! »
Elle sentit instinctivement qu’il disait vrai.
« Hello vous deux, fit Laure en posant son manteau couvert de pluie sur un fauteuil. Vous restez dans l’obscurité, ou c’est moi qui vois pas clair ?

- Tout va bien pour toi, Laure, répondit Pierre. Pour toi, tout va bien ».


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