samedi 10 juin 2017

Le cinéma américain en 2017 et les théories du complot




Près de 20 ans ont passé depuis le testament de Kubrick, presque tout autant depuis les énigmes de Lynch Lost Highway, Mulholand Drive, Inland Empire…  Dorénavant les productions US dites indépendantes ne font plus mystère d’appréhender plus frontalement les théories dites conspirationnistes et de les donner à lire avec franchise.

Kubrick avait abordé  l’essentiel par signes accumulés - manipulation mentale, pédo criminalité, corruption des élites et collision de celles-ci avec les sociétés occultes, rituels satanistes, reprogrammation et manipulation des cerveaux à distance ou de près. Lynch, quant à lui, avait dressé de l’usine à rêves hollywoodienne un portrait au scalpel ou l’illusion masquait l’empire du mal.
Deux œuvres sorties cette année nous proposent avec davantage de clefs cette même réalité sous tendue par le masque des apparences, et nous permettent de l’appréhender émotionnellement au travers de deux fictions puisant à même les racines du mal.

Sorti en février, The cure of Wellness de l’allemand Gore Verbinski envoie le patron d’un organisme financier oligarchique dans une cure thermale d’un genre tout particulier, dans les murs d’un étrange château en Suisse fondé par un baron deux cent ans auparavant, accusé par ses paysans d’avoir pratiqué sur eux des expériences diaboliques, et le punissant en brulant son épouse. Ce vieil américain, arrivé au terme de son ambition, dévoile au début du film combien la réussite est, plus que creuse, destructrice de sa personne même, et qu’il lui faut par cette cure se régénérer entièrement pour ne pas sombrer dans les flammes de l’enfer.



Affolé, son organisme financier, en passe de fusionner avec un autre, dépêche sur place un jeune ambitieux pour faire revenir le dissident et lui faire signer des documents compatibles les mettant eux à l’abri de délits d inities avérés.

Le jeune va donc pénétrer un univers, plus qu’étrange, aseptisé, ou gambadent de riches vieillards tout de blanc vêtus, ayant ici abandonné tout pouvoir à la faveur d’une équipe médicale prétendant les guérir au moyen d’une eau locale aux pouvoirs supposément guérisseuse.



Sans révéler trop l’incroyable et diabolique suspens, on peut dire, sans trop en dévoiler, que ce que tous viennent ici chercher sera comme un piège se retournant sur chacun. Le monstre de la cure dévore évidemment ces anciennes gloires ayant signé toutes auparavant le pacte de Faust. Parabole à peine voilée sur l’abandon de son âme a Satan, et au sort que ce dernier réserve à celles et ceux qui ont eu l’immense prétention de se croire puissants au point de tout détruire et de s’échapper eux-mêmes du châtiment collectif.

Bande annonce 
https://www.youtube.com/watch?v=JF1rLFCdewU



Sorti en Mai, Get Out puise aux racines de la pensée WASP à la Obama Clinton, et plonge un jeune couple, une jeune bourgeoise de type enfant gâtée et son nouveau petit ami noir, parfaits représentants tous deux de la réussite américaine et de la bien pensance. Ces deux tourtereaux s’en vont rencontrer les parents de la belle, parfaits électeurs de l’ancien Président, dans leur immense et superbe propriété.


Dès leur apparition, ces parents parfaits et propres en apparence, ainsi que leur personnel noir, inquiètent. Sous le vernis des élégances et de la convivialité, sourd une menace, celle d’un totalitarisme manipulateur déguisé en agneau. Lui est chirurgien du cerveau, elle hypno thérapeute, rien que les métiers inquiètent.

A peine dans les murs que voilà nos tourtereaux envahis par une réunion annuelle dans le jardin, ou les parents convient tout le gratin démocrate oligarchique. Là, dans ces couples aux masques engoncés, le bizarre se mêle à l’étrange et au malsain. Cette assemblée en apparence souriante a tout de l’occulte, et plus le temps passe plus se multiplient les signes de l’anormal.

Le jeune homme noir sera évidemment - je n’en dis pas davantage - la proie idéale de l’asservissement en cours, avec au bout du chemin la possibilité de lui voler son âme pour mieux l asservir à un vaste complot.

Bande annonce
https://www.youtube.com/watch?v=ixFNUwa9i9k




Les deux films traitent bien, avec des intrigues différentes, de la même chose. Le mal déguisé en bien, la bien pensance WASP totalitariste cachant ses desseins, la capacité de manipulation et de destruction sous couvert de soigner, le désir de prise de contrôle pour cloner, la certitude de l’impunité pour les puissants. L’aveuglement de beaucoup du sort qui leur sera en définitive réservé aussi, en guise de remerciements de s’être adonnés à des rites et pratiques sataniques.
Tant dans le château suisse que dans la propriété des parents de Get Out circulent les cerveaux reptiliens, insensibles à autrui, froids, roués, manipulateurs, se délectant de la douleur de l’autre, s’appuyant sur des techniques médicales et scientifiques pour littéralement aspirer les corps et les cerveaux de leurs proies, dans le sens littéral du terme. 

Dans les deux œuvres, un quidam se pensant libre pénètre tel l’agneau leur univers hautement toxique, s’y affronte, devient la proie à abattre, découvre horrifié le dessous des cartes, se confronte seul à un univers autrefois sécurisant et qui soudain révèle son véritable visage. 

On est là dans deux illustrations parfaitement limpides de la théorie conspirationniste dans le cadre de fictions construites en paraboles et faisant appel au cinéma d’horreur à la Rosemary s Baby. Le Mal était déguisé en Bien, on y avait jusque-là contribué sans le savoir, on avait de très près fréquenté d’authentiques monstres sanguinaires, et on découvre o combien tard que ceux-ci sont prêts à faire de toi un jouet en aspirant tes neurones et toutes tes fonctions vitales pour te recycler et faire de toi un esclave.

Plus que tout documentaire ou interview de repenti du système, ces deux fictions, par le processus d’identification à l’agneau dans le viseur qu’elles induisent, permettent à tout un chacun un réveil. Non de la raison déraisonnable qui devant l’accumulation des preuves se raccroche à sa vision du monde jusqu’à les nier pour des motifs pseudo rationnels. Mais bien parce que l’émotion et donc l’intuition permet à chacun face à ces images de percevoir le sens directement.

Et donc, pour les plus éveillés des spectateurs, de commencer à entrevoir et à comprendre que non, ceci n’a peut-être rien d’une fiction.

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