vendredi 5 mai 2017

Six mois


Le 5 novembre 2016, Néo et moi, chacun tirant une valise à roulettes et portant un sac à dos, primes, en compagnie du chat Shadow, place dans le vol Paris Casablanca aux alentours de 18 heures. L’avion atterrit deux heures plus tard environ. Un petit bus nous conduisit à un hôtel trois Etoiles sur la zone aéroportuaire, un hôtel splendide avec piscine dans un immense patio. Nos chambres individuelles étaient spacieuses, presque luxueuses. Nous pûmes depuis l’hôtel, vers minuit, effectuer une réservation en ligne de deux places en auberge de jeunesse à Rio, ou le lendemain soir nous arrivâmes.

Ce fut le début du voyage, et cela fait ce jour six mois.

L’idée s’imposa d’elle-même début septembre depuis Athènes, quelques jours avant le décès de Z. Tout s’était orchestre pour que, sans que je m’en rende forcément compte, je m’envole au loin et pour de bon. Z bien sûr, mais aussi ces cabales grotesques, là-bas, à Paris. Ces déceptions dont compte tenu de ce que je vivais au quotidien je ne voulais absolument rien tirer sinon la chasse. Cette concomitance entre les derniers jours d’un être aimé et ça … Ce grotesque multirécidiviste pleurnicheur des crachats par derrière que j’avais tenu à bout de bras deux ans durant et qui trois jours après l’enterrement de Z. me balança dans les chiottes d’un bar bien connu cette ridicule injonction que j’accueillis par un éclat de rire… Quelle pitié !

Alors non pas fuir mais tout quitter, les quitter, m’échapper de la cage à lapins.

Et puis : l’actualité bien sûr. Car quoi ? Déjà ce pays en proie à deux guerres en même temps, la civile et celle que Daesh lui a déclarée, et dans lequel la plupart des habitants vivent comme dans un Walt Disney, à l’ouest, désinformés, en petites tribus fermées sur elles-mêmes. Quand ils vont au cinéma c’est pour voir un Pixar ou un Marvel : je ne juge pas mais note juste un immense décalage. Chacun est libre de voir ou ne pas voir bien sûr, et ceci vaut aussi pour moi. La cohabitation à partir d’un certain point devint tout bonnement impossible.

Quand tu as une conscience aigüe de ca et l’envie de vivre et de créer, vient un moment où tu ne peux que t’éloigner de ce que tu vois surgir et pressens arriver. Ce que d’ici je vois ne fait mille fois hélas que me conforter dans toutes mes intuitions et observations. Je ne puis faire autre chose que me passionner pour le monde dans lequel je suis ne, et interroger cette époque si particulière chaque jour, comme je le fais depuis plusieurs années. Le faire a plusieurs milliers de kilomètres est plus simple.

Et puis cette absence de foi, ce rejet de ceux qui croient en quelque chose de suprême, y compris envers ce que nous avons de plus beau, à savoir nos rêves. 

Négativité et médiocrité sont tellement fortes à Paris qu’on est presque obligé de se planquer pour pénétrer dans une église et se signer. Dire une ambition déclenche des tollés, comme si être ambitieux et se poser au-dessus des autres dans ses désirs était insupportable et devait de fait être dissimulé. La vulgarité, elle, a tous les droits et ne se prive pas pour envahir nos chambres à coucher.

Croire et croire en soi induisent railleries et ricanements de la part de commentateurs bruyants dont les vies ne sont en rien un exemple. D’autres cohabitent bien sûr et ceci n’est en rien une généralité : mais force est de constater qu’actuellement là-bas ce sont les médiocres qui tiennent le haut du pavé. Ceux-là qui nous ont mis Marine et Macron au second tour et qui polluent nos fils d’actu.

Alors sans moi. Encore 6 tomes de Sundance à rédiger, ce roman saga qui conte la fin d’un monde occidentalo libertaire : je ne me voyais décidément pas l’écrire dans le cœur du volcan. La distance s’imposait.

Je n’ai eu besoin que de quelques minutes pour convaincre Néo de m’accompagner. Le voir à ce point heureux et épanoui me comble. C’était le seul à qui je pouvais le proposer ce truc de fou, lui mon parfait complément et mon meilleur ami.


Le soir, on se retrouve dans le jardin et je lui fais la lecture en sirotant des bières. Tous deux pensons beaucoup à la France et à ceux que l’on aime là-bas, moi surtout. La vie que nous nous construisons ici est aux antipodes de celle que nous avons quittée. Pensez : du matin au soir que de la joie, des rires, de la légèreté. Le matérialisme balancé à la rivière. Plus de portable, plus d’agendas, plus de contraintes, que du plaisir. Et ça fait six mois que ça dure …


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