Le 5 novembre 2016, Néo et moi,
chacun tirant une valise à roulettes et portant un sac à dos, primes, en compagnie
du chat Shadow, place dans le vol Paris Casablanca aux alentours de 18 heures. L’avion
atterrit deux heures plus tard environ. Un petit bus nous conduisit à un hôtel
trois Etoiles sur la zone aéroportuaire, un hôtel splendide avec piscine dans un
immense patio. Nos chambres individuelles étaient spacieuses, presque
luxueuses. Nous pûmes depuis l’hôtel, vers minuit, effectuer une réservation en
ligne de deux places en auberge de jeunesse à Rio, ou le lendemain soir nous arrivâmes.
Ce fut le début du voyage, et cela
fait ce jour six mois.
L’idée s’imposa d’elle-même début
septembre depuis Athènes, quelques jours avant le décès de Z. Tout s’était orchestre
pour que, sans que je m’en rende forcément compte, je m’envole au loin et pour
de bon. Z bien sûr, mais aussi ces cabales grotesques, là-bas, à Paris. Ces déceptions
dont compte tenu de ce que je vivais au quotidien je ne voulais absolument rien
tirer sinon la chasse. Cette concomitance entre les derniers jours d’un être
aimé et ça … Ce grotesque multirécidiviste pleurnicheur des crachats par derrière
que j’avais tenu à bout de bras deux ans durant et qui trois jours après l’enterrement de Z. me balança dans les chiottes d’un bar bien connu cette ridicule injonction que
j’accueillis par un éclat de rire… Quelle pitié !
Alors non pas fuir mais tout
quitter, les quitter, m’échapper de la cage à lapins.
Et puis : l’actualité bien sûr.
Car quoi ? Déjà ce pays en proie à deux guerres en même temps, la civile
et celle que Daesh lui a déclarée, et dans lequel la plupart des habitants
vivent comme dans un Walt Disney, à l’ouest, désinformés, en petites tribus fermées
sur elles-mêmes. Quand ils vont au cinéma c’est pour voir un Pixar ou un Marvel :
je ne juge pas mais note juste un immense décalage. Chacun est libre de voir ou
ne pas voir bien sûr, et ceci vaut aussi pour moi. La cohabitation à partir d’un
certain point devint tout bonnement impossible.
Quand tu as une conscience aigüe de
ca et l’envie de vivre et de créer, vient un moment où tu ne peux que t’éloigner
de ce que tu vois surgir et pressens arriver. Ce que d’ici je vois ne fait
mille fois hélas que me conforter dans toutes mes intuitions et observations.
Je ne puis faire autre chose que me passionner pour le monde dans lequel je
suis ne, et interroger cette époque si particulière chaque jour, comme je le
fais depuis plusieurs années. Le faire a plusieurs milliers de kilomètres est
plus simple.
Et puis cette absence de foi, ce
rejet de ceux qui croient en quelque chose de suprême, y compris envers ce que
nous avons de plus beau, à savoir nos rêves.
Négativité et médiocrité sont
tellement fortes à Paris qu’on est presque obligé de se planquer pour pénétrer
dans une église et se signer. Dire une ambition déclenche des tollés, comme si être
ambitieux et se poser au-dessus des autres dans ses désirs était insupportable
et devait de fait être dissimulé. La vulgarité, elle, a tous les droits et ne
se prive pas pour envahir nos chambres à coucher.
Croire et croire en soi induisent
railleries et ricanements de la part de commentateurs bruyants dont les vies ne
sont en rien un exemple. D’autres cohabitent bien sûr et ceci n’est en rien une
généralité : mais force est de constater qu’actuellement là-bas ce sont
les médiocres qui tiennent le haut du pavé. Ceux-là qui nous ont mis Marine et
Macron au second tour et qui polluent nos fils d’actu.
Alors sans moi. Encore 6 tomes de
Sundance à rédiger, ce roman saga qui conte la fin d’un monde occidentalo
libertaire : je ne me voyais décidément pas l’écrire dans le cœur du
volcan. La distance s’imposait.
Je n’ai eu besoin que de quelques
minutes pour convaincre Néo de m’accompagner. Le voir à ce point heureux et épanoui
me comble. C’était le seul à qui je pouvais le proposer ce truc de fou, lui mon
parfait complément et mon meilleur ami.
Le soir, on se retrouve dans le
jardin et je lui fais la lecture en sirotant des bières. Tous deux pensons beaucoup
à la France et à ceux que l’on aime là-bas, moi surtout. La vie que nous nous
construisons ici est aux antipodes de celle que nous avons quittée. Pensez :
du matin au soir que de la joie, des rires, de la légèreté. Le matérialisme
balancé à la rivière. Plus de portable, plus d’agendas, plus de contraintes,
que du plaisir. Et ça fait six mois que ça dure …
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