mardi 30 mai 2017

Rêvasser printemps


La chanson de geste de l’Elu, telle qu’elle nous est quotidiennement contée par nos encenseurs habituels, ce simulacre d’une grandeur autrefois perdue en ce jour retrouvée, avec ces mises en scène de Soi en Jupiter, ces poses et ces postures, ces accaparations de lieux chargés d’histoire, ces symboles, ces références aux Grands d’hier, ces discours enflammés au lyrisme aussi creux que pompeux, cette comédie de la main ferme avec le yankee, de « on s’est dit les choses franchement » avec le lion russe, cette cérémonie versaillaise ou tous les nantis purent s’admirer dans la Galerie des Glaces … 

Tout ceci me rappelle étrangement la séquence suivant l’élection de Sarkozy le 6 mai 2007. Ou six à huit mois durant le « pays des droits de l’homme », celui qui derrière Chirac avait applaudi le veto à l’invasion de l’Irak, celui qui avait dit NON à la constitution européenne, celui-là donc était en situation de gober jour après jour un spectacle consternant fait de bric et de broc, de vulgarité, d’immaturité, de mensonges en tous genres, de falsifications historiques et de mises en scène d’un ego sur-envahissant.

Comme une séquence d’atonie, ou le petit peuple complètement oublié par ses élites et ses zélateurs même passifs s’en va accueillir les beaux jours sans un sou pour partir en vacances, et devra une fois encore compter ses euros dès le 15 du mois. Tandis que tous les autres, après un hiver et un début de printemps guerriers, se reposant enfin un peu, laisse faire voire se montre séduit par les premiers pas de leur futur égorgeur.

Les tout petits ayant déjà été tondus, il s’agira cet été de s’attaquer au gros du troupeau, c’est-à-dire les petits bourgeois des villes, par salves d’ordonnances. Lesquelles en deux ou trois années, l’été chaque fois, finiront par avoir raison de ce code du travail o combien protecteur, qui fut le fruit des combats des Compagnons de la Libération et donc notre bien commun.

Ce bien commun ne sera plus d’ici quelques petites années qu’un lointain souvenir, il n’est point nécessaire de vous défendre en prétextant de « donner sa chance à l’Elu », ce dernier fut sous ses discours de serpent enchanteur très clair dans ses actes, comme dans certaines interviews données non loin de la City.

Je l’entendis, hier, aux côtés d’un Poutine atterré mais soucieux de préserver les apparences, non seulement lui faire, lui le roitelet au passé de dépeceur d’entreprises, la leçon - à propos d’affaires internes à la Russie et à certains de ses satellites. Aux ingérences militaires s’ajoutent une fois encore les ingérences morales, cette façon si creuse et si inefficace que de se poser comme point cardinal du BIEN, de se mêler de ce qui ne nous regarde en rien (et à propos duquel nous pouvons bien sur avoir un avis, même tranché), de faire le silence sur tout ce que soi-même on a détruit, de maquiller l’histoire et la géostratégie contemporaine à propos de « dossiers relatifs à la sécurité » ou le « partenaire russe », posé en agresseur, fut tout bonnement envahi par son allié et ses filiales par en dessous. Et d’aller jusqu’à (le ridicule ne tue pas) affirmer qu’en cas de récidive (mais de quoi pardi ?) Petit Poulbot Ier était prêt à y aller tout seul, en Syrie, montrer ses petits muscles.

Cette dernière assertion, plus que grotesque, éminemment dangereuse, qui a relevé qu’elle signifierait purement et simplement, si elle était mise à exécution, risques de guerres civiles et Bataclan 2 sur le sol français ? L’atonie qui a succédé à cette rodomontade digne d’un adolescent attardé, que dis-je, cette espèce de fatuité grandiloquente de nos plumitifs, y voyant là le signe manifeste du retour du Coq sur le devant de la scène, celui-là qui se dit prêt à se faire jeter dans le brasier : faut-il rêvasser printemps pour oser laisser passer pareille énormité 14 ans après le discours de Villepin a l’ONU !

Ce néo-colonialisme enrobé de papier bleu et rose et défendu bec et ongles par une armée de paons sonne le glas, une fois encore, comme un retour du balancier de Sarkozy puis Hollande, d’une ancienne grande puissance. Dont les mots de ses puissants traduisent l’inverse de leurs actes réels. Nous avons laissé faire. Détruire la Libye en silence. Ouvrir la route des vagues migratoires nous envahissant. Accueillir des milliers de réfugiés dans des conditions indignes. Attaquer un régime laïc apprécié par son peuple sous des prétextes bidons.

Nous avons depuis 10 ans avalé toutes les couleuvres que nous ont concocté notre presse et nos journaux, ceux-là qui sont dans la main des propriétaires des multinationales de l’armement, grands palpeurs des guerres et du chaos. Nous avons cru et croyons encore que cette presse est libre et plurielle, et ne passons pas une minute à aller vérifier par nous-même la véracité de ce qu’elle nous dicte, en des temps où tout est pourtant sur la table – ou plutôt sur la toile. Nous nous sommes avant tout préoccupés de nous-même, de notre communauté, de notre tribu, de notre carrière, de notre nombril. Nous avons applaudi Pixar et Marvel et délaissé le cinéma d’auteur, avons avalé série sur série et délaissé les livres, avons laissé Loft Story gagner nos vies via les réseaux sociaux, avons consacré et continuons à consacrer un temps infini à 40 ans passés à nous exciter sur la dernière ânerie de ce pauvre Hanouna tout en nous désintéressant de l’essentiel, la planète, la dérégulation climatique, les OGM, les mendiants sur nos trottoirs, les gens dans les banlieues périurbaines ou nous ne voulons pour rien au monde mettre un pied.

Assoiffés de libertaire nous avons jeté la liberté, la vraie, celle de tous, à la rivière. Nous affirmons sans savoir, imposons avec fracas nos avis sans l’once d’une connaissance pointue, et faisons la morale à autrui en permanence. Nous énonçons de beaux et grands principes pour ne surtout pas nous les appliquer, nous, ce grand peuple, abruti par la société de la distraction, par le rouleau compresseur médiatique, par la violence des relations professionnelles, par cette crise économique qui n’en finit pas – et qui fut pensée pour ne jamais s’achever , pour le meilleur profit du haut de la pyramide, lequel ne s’est jamais aussi bien porté.

Continuons à nous exciter sur une petite réunion de femmes blacks a Paris, et a rêvasser printemps avec l’Elu. Les vacances sont proches, le temps de la réflexion n’est pas bienvenu. Pas plus qu’il ne le sera sur les plages, et pas davantage à la rentrée ou au cœur de l’hiver. Le nouvel Alien est sorti, le prochain Star Wars est dans les cartons : vivement !




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