Vous êtes au
nord et nous au sud, allez entrer en été et nous en hiver, êtes en week-end et
nous avons adopté une vie ou cette notion n’existe plus. Libérés de nos
habitudes et de nos chaines nous connaissons chaque semaine sept jours comme
vous, mais que nous occupons à faire ce que nous aimons et ce pour quoi nous
sommes sur terre.
Gagner notre
vie est fait et ne me demande guère plus de trois heures chaque semaine tout au
plus. Mon activité indépendante ainsi que le très faible cout de la vie ici le
permet, et à côté de ces quelques rentrées qui là où nous vivions autrefois me
placeraient sous le seuil de pauvreté, il y a le chômage de Néo, 480 euros a
peu près, ce qui ici permet de vivre a deux 15 jours sans se priver de rien.
Le temps dit de
travail et celui dit de distraction me concernant se sont confondus. Travailler
c’est à dire écrire et publier chaque jour, et veiller comme on couvre un feu
aux résultats quantitatifs et qualitatifs est en soi une activité qui me plait,
me distrait tout en me centrant sur le meilleur de moi et me traduit tout
entier. Quand tu fais entièrement ce que tu aimes tu n’as de fait point besoin
de te distraire, de sortir le soir danser ou boire, de le faire de manière systématique
comme pour mettre une barrière entre le temps alloué à gagner sa vie et celui
occupé à la vivre. Tu vis ta vie tout le temps, et aussi intensément que légèrement.
J’avais déjà tâté
ca il y a six ans a la Réunion – une vie tout occupée à soi et à faire ce qu’on
aime et à le faire bien avec en bonus les bravos de ceux avec lesquels tu
collabores. Ce n’est pas facile à construire, encore moins à conserver sur la durée,
là cela fait dix mois consécutifs que je vis cela, auparavant sur l’ile j’ai
tenu neuf mois, en apesanteur, parfaitement sur mon axe. Je pense avoir acquis dorénavant
la force intérieure pour ne pas connaitre la chute, c’est à dire la disparition
progressive de ce petit miracle. Ayant connu les chutes et les lentes remontées
à plusieurs reprises, et m étant affronté à mes peurs les plus enfouies et les
avoir finalement repoussées permet de forger au-dedans une réelle résistance
aux difficultés, de les vivre comme de l’extérieur, voire de les anticiper et
de baisser la tête.
Je vis au jour
le jour tout en conservant un horizon au loin, avec un projet assez fou que je
mets en place brique par brique, et dont j’observe l’exécution et les résultats,
lesquels sont plus importants et plus rapides que ce que j’avais imaginé d’après
les chiffres et les retours. Ne serait-ce que ces tribunes sur Agoravox, qui
est quand même le média alternatif francophone le plus connu au monde. En 5
mois me voilà le contributeur le plus régulier - une chaque jour, j’ai vérifié je suis le seul,
avec des notations excellentes a tous les coups ou presque, avec des avis dans l’ensemble
louangeurs, et surtout des HIT qui depuis quelque temps me mettent en 1ere ou
2eme place, soit de la journée soit de la semaine.
Le premier de
la classe, comme au collège. Disons-le, je me suis toujours programmé pour ça,
la première place, c’est le genre de défi que j’aime me donner, ça marchait
adolescent, ça a marché pendant toute ma scolarité et trente-cinq ans après ça
marche toujours. Etre second, non. Et rester surtout en marge et libre et à
distance du truc.
L’objectif n’est
plus le même, ce n’est plus l’ego ou la confiance en soi ou la reconnaissance
que je vise, ça je l’ai acquise, je veux dire construite intérieurement avec l’expérience.
Mais bien la réalisation de soi et au travers de ca toucher les gens, le plus
de gens possible, en étant aussi vrai et aussi percutant et aussi éclectique
que possible, quitte à parfois choquer ou déplaire ou susciter des railleries,
ce qui m’indiffère ou m’amuse. Les avis de tel ou tel ça ne m’intéresse guère, c’est
tout à fait secondaire, ce qui compte c’est ce que je fais et que ça marche. Je
ne cherche en rien à cumuler des like ou à être élu meilleur camarade.
Avoir des
détracteurs, des ennemis ou des trolls me va et me sert, ce sont des très bons
agents électoraux, je vois bien que certains sont addict dans leurs rejets, ils
n’aiment pas, vraiment pas mais ne peuvent s’empêcher de lire et de commenter.
Tout ça me va. Néo
me dit que je fais trop ceci ou cela, que ça peut agacer certains, et je lui réponds
que cela fait partie du plan, cet agacement de certains – c’est juste des avis,
et dans ce champ là seul le mien à mes yeux compte. Apres tout je m’autoproduis
comme toujours, quand tu es sur la scène il y a toujours dans la salle des gens
que telle chose irrite ou qui à un moment critiquent, ça fait partie d’un jeu
dont je connais bien les règles. Avec cette grande distance être sur la scène
est donc une place ou je me sens à l’aise.
C’est top la cinquantaine
je trouve. On ne perd plus de temps, on se connait bien, on écoute davantage
son intuition que sa raison, on sait mettre certaines émotions à distance, on
parle moins et moins fort, on apprécie bien mieux la solitude et on devient
capable de rester assis sur un bac à humer l’air le sourire aux lèvres une
heure durant, sans rien faire. On goute l’instant, on en pense ni à hier ni à
demain, on n’a ni regrets ni remords, et quand c’est nécessaire on dit les choses sans mâcher ses mots, posément.
Aucune virulence ne te touche, on a quitté le monde de la compétition et tous
ces reflexes pavloviens de souris dans une cage. On vit pour son bon plaisir
tout en pensant à autrui, on ne juge pas les êtres mais on repère les
comportements toxiques, on fait la différence entre l’un et l’autre, et de fait
on s’éloigne des uns une bonne fois pour toutes. Et on reste fidèle à la meilleure
partie de certains êtres chers, à qui on souhaite à distance le meilleur avec
ou sans nous.
Ce soir comme
chaque soir dans le jardin, avec Néo, quelques bières, on échange et on rit, c’est
parfois sérieux parfois léger mais toujours complice. On danse sur quelques
tubes et puis chacun s’en va dans sa chambre, avec Shadow pour lui et Chaplin
pour moi, nos deux jolis matous boules de poil boites à ronrons. Et on s’endort
comme des enfants, paisiblement.
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