Ceux-là se posent et posent ici-et-là,
et en imposent parfois, de leur suffisance. Laquelle se suffit à elle-même,
suffisamment. Petits aristocrates auto-proclamés, censeurs des petits et
encenseurs des grands, les fats font des faits des attributs de ramage, les déforment
à leur guise, les mettent pompeusement au-devant de leur pas sous leurs habits
trompeurs pour mieux extorquer à quiconque le silence qui leur est dû par
essence. Dans les sous-sols des universités et des laboratoires de recherche,
ou l’on étudie toujours fort loin du réel ce dernier, ils abondent, restant ici
sur la scène et se mettant la dans l’éprouvette : car quel plus bel objet
d’étude et d’analyse que ce « soi » omnipotent qui n’a de compte à
rendre qu’à une autorité, seule et officielle, en tous propos respectée.
Ces pontifes pontifiants remettent
chaque matin en selle leur suzerain, et conformément à sa loi divine s’en font
en leurs petits cénacles les zélés appliquants : n’attendez pas de leur
part quelque reconnaissance ou quelque genou à terre, cela briserait l’apparence
de celui qui se méconnait et ne veut surtout pas s’appliquer à lui-même ce qu’il
ordonne d’un ton pédant à autrui. Miroir o mon traquenard, ne vois-tu rien périr ?
Ils sont doctes, fort diplômés, très
savants, ces sachant tout n’ayant jamais quitté leur vieille maman. Et trop
immatures pour bien d’eux pour pouvoir conserver plus de dix ou quinze ans la mère
de leurs propres enfants. Car au domicile la loi n’est plus la même, et par le
biais de ce qu’ils exècrent et méconnaissent, cette rue sous leurs fenêtres ou
ca vit, celle-ci par Madame et leur progéniture a imposé sa loi au-dedans, qui
est l’inverse de celle du père.
Autour de la table à manger, le
pontifiant se fait souvent maussade, il mange sa soupe en grognant, et supporte
sa douce rire gaiement de tout et de rien – ce qu’il n’a jamais su faire.
Leurs étudiants et leurs collègues
et leurs rares amis en feront les frais, à compter du lundi. Arrivés l’imperméable
trempé sur l’estrade de leurs prétentions devant assistance, les fats
reprendront la règle et sacqueront, vengeurs à peine masques, leurs
humiliations du jour d’avant, faisant non acte mais abus d’autorité sur plus
petit que soi. Quitte à faire pleurer et a en bicher.
Les fats n’ont aucun humour, c’est à
ça qu’on les reconnait. Ils ricanent et se gaussent de petites formules
perfides censées être blessantes, et qui parfois manquent leur but. Poussés
dans leurs retranchements ils s’obstinent alors à lutter contre plus fort qu’eux-mêmes,
se prennent raclée sur raclée, finissent en culotte sur le trottoir et pleurent
sur eux-mêmes en se mouchant fort. Incompris et dissident je suis, disent-ils
alors, ajoutant la une étape de plus dans leur escalade du ridicule.
Les fats sont coupables de leurs
actes mais pas responsables. Leur masque a fondu sur leur peau, leur bulle infantile les a littéralement
emprisonnés, et dans le monde adulte, là où la vraie force existe, ils sont démunis.
J’entretiens envers la personne de ces vieux enfants tout rabougris une forme d’indulgence.
Ces serviles laquais ont-ils jamais grandi, cernés de livres et vieux grimoires
poussiéreux ? Je les imagine souvent le soir, migraineux, empruntant ce métro
bruyant que jamais leurs maitres n’empruntent et se diriger les yeux baissés,
morts de froids, dans les longs couloirs en courant d’air. La vie est pour eux
effort et souffrance, et souvent rien que ça, les petits plaisirs manquent,
jamais ils ne lâchent prise. Le masque les maintient à distance du plus beau.
Et ce beau-là, qu’ils surprennent
parfois dans le regard de cette étudiante qu’ils humilient publiquement - secrètement
leur fait envie.
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