Ils s’arrêtèrent à l’Ilet des
Trois Salazes après une montée d’une heure de marche. Le soir tombait, et
Nathalie, assise dans la petite cahute où elle proposait ses tisanes aux
plantes et ses gateaux, les accueillit en silence. Charles la connaissait
depuis enfant, c’était avec sa mère qu’autrefois, il n’avait pas plus de trois
ans, il avait pris cette habitude de venir s’y reposer, loin du tumulte
d’en-bas. La case de Nathalie, à deux pas, avait une chambre d’amis
suffisamment grande pour quatre.
« L’enfant dormira dans
ma chambre, murmura Nathalie à sa grand-mère. C’est important pour lui, cette
énergie-là. Ca lui apporte des forces pour le bien-après.
-
Tu sais, je n’y comprends rien, à ce
que vous dites tous au sujet d’Expédit. Mais depuis que ma tête …
-
Qu’est-ce qu’elle a ta tête
Mamie ?, demanda l’enfant.
-
Mamie est tombée il y a longtemps, répondit
Charles.
-
Tombée sur la tête ?
-
OUI »
L’enfant prit une inspiration
et leva une main à l’horizontale.
« Pas vrai.
-
Tu ne me crois pas Expédit ?
-
Pas vrai, répéta t-il. De méchantes
personnes ont fait de méchantes choses à mamie. Ils ont mis des choses dans sa
tête et ont envoyé des éclairs.
-
Mais que dit-il ? s’étonna sa
grand-mère. Que raconte cet enfant ?
-
Mamie tu n’es pas tombée. Papy il y
a longtemps a fait des choses, et puis tu es partie dans un endroit tout blanc
avec des gens tous blancs aussi, et toi tu étais la seule à ne pas être en
blanc. C’était pas possible pour toi de ne pas être vue, à cause de ça. Tu
essayais de te cacher mais c’était pas possible, car tout était blanc, beaucoup
de blanc, même la nuit. Alors… »
Laure surprit sa belle-mère
frémir. Les branches des arbres à leur tour se mirent à trembler.
« Alors les hommes sont
venus, parce que tu criais. Tu étais dans la cuisine, il y avait Papy, et puis
un lit avec un grand drap blanc dessus et des crochets. Tu étais là tonton,
aussi, avec papa. Tu avais très peur, et papa lui il essayait de se mettre
entre les hommes et mamie, il voulait la protéger, alors comme ils étaient plus
nombreux que lui, ils ont fait barrage, et alors ils ont attaché mamie sur
le lit, avec les crochets. Papy avait une bouteille dans la main, il la buvait
vite, on aurait cru que c’était de l’eau mais c’était pas de l’eau car de sa
bouche il sortait du feu. C’est à ce moment qu’il y a eu les éclairs, dans la
tête de mamie, et qu’elle a fermé les yeux »
Laure vint s’asseoir aux
côtés d’Elise, qui, perdue dans ses pensées, laissait couler quelques larmes.
« Mais il ne faut plus
que mamie pleure. Car c’est moi qui vais aller après sur le lit blanc, dans la
cuisine. Ca je sais, je sais ça. Je sais ça depuis le début, dans ma
tête ».
L’enfant s’était rapproché de
Nathalie, qui de la main lui caressait les cheveux.
« Ca fait un peu mal à
la tête quand elle s’ouvre en deux. Ca je sais aussi. Mais après il y a des
choses qui se passent et qui ne font plus mal comme avant. Les gens en blanc ne
sont plus là, ils ne crachent plus de feu. Je sais qu’après alors je vais
pouvoir ouvrir les yeux et voir. Ca aussi je sais. Je vais pouvoir après voir
aussi bien que je vois dans ma tête ».
Lentement, Elise, à tâtons,
s’approcha de lui.
« La nuit est tombée,
mais je vois, lui murmura t-elle. Merci mon pitchou »
Elle le prit dans ses bras et
le serra fort contre son cœur.
« N’aie pas peur mon
pitchou. Tu sais, à un moment tu ne ressens plus rien. Tu n’as plus mal
-
Je sais mamie. Ca je sais.
-
Avant oui, avant sûrement. Mais
quand ils frappent à la tête et qu’elle s’ouvre en deux…
-
Oui »
L’enfant frôla son visage de
la paume de ses mains et, l’interrogeant, hésita un bref instant.
« Pas vrai que papy est
méchant ?
-
Non mon pitchou. Mamie était un peu
spéciale tu sais, avant.
-
Spéciale comment ?
-
Mamie rendait papy un peu marteau.
-
Marteau comme le marteau qui a tapé
sur ta tête, mamie ?
-
Si tu veux.
-
C’est rigolo, sourit-il. Papy
marteau qui tape avec un marteau sur Mamie Marteau.
-
Oui, c’est la famille Marteau
-
Hi hi hi »
Laure s’approcha d’eux,
retenant ses larmes
« C’est comme papa et
maman, fit l’enfant. Et puis moi. La famille Marteau aussi. C’est rigolo
-
Oui fit sa grand-mère. Tu vois,
c’est pareil. Et tu sais bien que ton papa et ta maman ne sont pas méchants.
-
Oui, ça je sais. Maman parfois aussi
elle est spéciale avec papa. Alors ça rend papa Papa Marteau aussi. C’est pour
ça qu’il va donner un coup sur ma tête. Un coup qui fait mal, et puis plus mal.
Et c’est là que je pourrai enfin vous voir comme vous me voyez. Ca je
sais »
Il fit un pas en direction de
sa tante.
« Pourquoi tu
pleures ?
-
Je ne pleure pas chéri
-
Si tu pleures ! Tu pleures du
dedans tata, ça je sais.
-
Je…, balbutia t-elle. C’est que je
pleure parce que je suis contente de savoir que tu vas voir.
-
Non tata, tu pleures parce que tu
penses que je vais avoir très mal.
-
Oui, murmura t-elle en levant les
yeux en direction de Charles.
-
Pourtant tu sais que j’aurai pas
peur. Tu le sais ça, tata, hein ? Tu le sais ?
-
Oui mon chéri, lâcha t-elle en
retenant un cri. Oui je le sais. Je le sais.
-
Bon ben alors ? C’est
rigolo ! Ca fait mal un peu, mais ça fait pas peur, et puis après parce
que j’ai pas peur j’ouvre les yeux. Papa a ouvert ma tête et il a sorti mes
yeux de dedans ma tête. Et les méchants hommes en blanc ne peuvent rien me
faire puisque je les vois »
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