Ce fut le bruit de la pluie battante
sur les carreaux de ma chambre qui une nouvelle fois me tira de mes songes. A
peine avais-je remué que Chaplin le chaton accompagnait mon mouvement, s’extrayant
lui aussi de ses rêves et venant frotter son museau sur mon nez. Il devait être
quatre heures du matin, et une nouvelle fois l’orage, un orage majestueux,
tombant sur la nuit et envoyant un déluge dans le jardin.
J’aime – o combien – les orages,
surtout de nuit. Et m’éveillai donc, hirsute et dans les vapes pour y assister,
recouvert d’un épais blouson.
Je sortis sur la pointe des pieds, précédé
de Chaplin bondissant entre les flaques immenses sans crainte aucune, et tous
deux filâmes en direction de la table ou reposait le petit pot de café. Les éclairs
tonnaient, le ciel littéralement nous tombait sur la tête dans la nuit noire,
on pouvait les voir haut dans le ciel soudain nous éclairer dans un concert en
3D stupéfiant.
Viens, lui-dis-je, allons au-devant près
du trottoir, et le chaton comme à son accoutumée me suivit, me laissant à peine
m’asseoir avec ma tasse de café froid et bondissant sur mes genoux avec ses
petites pattes trempées. Tandis que j’avale la première gorgée il se dresse sur
mes genoux, moustaches en éveil, alerte. Tous deux regardons la rue devenue
fleuve, ici pas de canalisations, celle-ci est en pente, des flots coulent et
emportent sur leur passage les détritus. Tout dort autour mais tous deux
veillons. Il se retourne et vient se frotter à moi, manquant de faire rentrer
une patte avant dans la tasse à moitie remplie. Le museau froid vient se
frotter à mon nez.
Regarde, je lui dis, regarde chaton,
cette pluie : que c’est beau ! De ses petits yeux verts il m’observe,
sort un petit bout de langue et me lèche avant de lâcher un miaulement,
histoire de dire : ça va, je suis pas plus bête que toi, tu crois quoi, j’en
suis à ma 8e vie moi ! Il se retourne à nouveau et se met en
boule – et ronronne.
Les éclairs s’éloignent, la pluie
fouette l’air, c’est l’automne, nous sommes ici à fronts renverses, à un mois
de l’hiver, et pendant la nuit il ne fait pas vraiment froid, juste un peu,
mais ça reste doux si on est un peu couvert.
L’été, quand j’étais au Brésil, je
me couchais vers deux trois heures du matin et mangeais trop fois rien. Là, je
suis au lit à vingt et une heure et m’éveille en plein milieu de la nuit. J’ai
un sommeil profond, il ne me faut guère que cinq minutes pour tomber chez la mère
Morphée, sous les ronronnements de Chaplin. Ça permet ça, ces moments de rêve à
s’éveiller quand tout le monde dort, rester là immobile sur le banc à regarder
l’immobilité, à méditer avec le chaton sur les genoux. A m’émerveiller de la beauté
de l’orage, il y en a au moins trois par semaine des comme ça, et ils sont d’une
force insensée.
Quitter les limbes, s’extraire d’un
profond sommeil, basculer lentement dans cet immobilité, ne penser à rien,
respirer à pleins poumons, se retrouver face à ca – cette nature déchainée et
surpuissante, qui te rappelle que tu es chez elle. Que nous ne sommes guère que
des invités provisoires.
Le jour se lève, étire ses minutes,
l’aube vient et avec elle la lumière douce, dans les recoins du jardin. Lentement
je me lève, tenant Chaplin dans mes bras, comme un bébé. Ses griffes sont rentrées,
il me regarde en tirant un bout de langue. Direction le jardin. Je le pose au
sol : il saute et gambade en tous sens. Je m’amuse de le voir si vif. Dans
la maison, une lumière, quelques pas.
Puis la porte qui s’ouvre, el señor …
Hola, que tal …
L'orage est quelque chose qui me terrasse par sa splendeur, saisissante. Je n'ose tenter l'apprivoiser, tel l'Amour, le coup de foudre me fait trembler…. Merci pour ta grandeur d'âme, d'écrivain et poète qui r'éveille la poésie qu'on porte tous (au moins un peu) en soi.
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