Tandis que vous amis de France et d’Europe
entrez dans un printemps qui à croire ces images de défilés de 1er mai
semble quelque peu agité et venteux, nous pénétrons depuis quelques semaines
dans un automne aux reflets doux. Hormis quelques rares jours de pluie,
celui-ci est baigné de rayons de soleil qui entre dix heures et seize heures
nous permettent de nous réchauffer tout en respirant un peu mieux que la saison
précédente.
Ici tout concourt à la vie paisible,
et nos jours comme nos nuits sont bercés par la délicate succession d’heures
filant goutte à goutte depuis la levée du soleil jusqu’à la tombée du soir. Les
nuits sur ce côté de l’hémisphère viennent tôt, et le matin s’éveille vers cinq
heures trente, heure à laquelle d’habitude je sors de mon sommeil, précédé ou
accompagné du chaton Chaplin qui me poursuit dans le jardin et saute sur mes
genoux en réclamant des câlins.
Chaque jour suit le même rituel.
Deux cafés sur le banc face à la rue, tandis que la maisonnée dort, puis
quelques pas dans la ville presque endormie, pour un troisième sur le marché, là
où travaille ce très beau jeune homme que j’appelle en rigolant « mon
fiancé ». Puis, vers sept heures, un tour d’horizon de l’actualité sur différents
sites d’information, un petit coup d’œil sur agoravox et sur mon blog pour
relever les compteurs et parcourir amusé les commentaires. Puis un premier
texte, souvent suivi l’après-midi par un second, parfois d’un troisième.
Je lâche l’univers virtuel vers onze
heures, me pose dans le jardin à cette heure ou les rayons du soleil passent
entre les branches des arbres, m’assieds, accueille Chaplin sur mes genoux et
me perds dans mes rêveries. M’éveille vers midi pour « la comida de la
señora », retrouve Néo avec qui en riant je converse. Puis repars dans mes
songes une petite heure, vais souvent marcher un peu, seul, reviens vers le
virtuel, le second billet auquel j’ai songé sans forcément l’avoir voulu se dessine,
et en un jet sort. Puis je repars dans le jardin, écoute parfois une émission,
relis quelques pages de Sundance, joue avec le chaton. Jusqu’à la tombée de la
nuit.
On se retrouve avec Néo autour d’un
pack de bières. Il met sa musique, on cause, parfois sérieusement parfois pas,
je l’écoute me faire part de ce qu’il a vu et compris de la journée, et me
satisfais de voir à quel point il voit juste, pense juste, sait décrypter les
choses, a en toute circonstance une éthique absolument irréprochable. Je luis lis
à sa demande le ou les textes du jour, en général il aime bien voire beaucoup.
On rit, beaucoup, de tout et de rien. On gigote, on danse, moi surtout, la température
a chuté, ça permet de ne pas trop ressentir le froid, et surtout de conserver
les muscles en éveil. Je m’amuse de voir dans le reflet du miroir mes cheveux qui
ont poussé comme jamais ces dernières années, d’ici quelques mois ça fera comme
une espèce de crinière qui retombera en arrière, à la Rahan. Et (bières et
bouffe de saison oblige) je surprends mon bidou qui a repris quelques formes après
les 8 kilos perdus au Brésil. Ça va, à 72 kilos je ne plains pas, et puis ça
fait des provisions pour l’hiver, cette petite ceinture abdominale.
Vers vingt heures Chaplin rentre
dans la chambre et saute sur le lit. Il me regarde, sur le seuil, me fixe puis
finit de guerre lasse, après avoir chassé une mouche, à s’endormir lové en
boule. Sitôt que je me serai couché il viendra instantanément se lover contre
moi, monter sur mon ventre, poser son museau humide sur mon nez, me lécher la
barbe et ronronner comme un tare. Un mois qu’il fait ça, depuis le lendemain de
la mort de sa mère ce chaton génial m’a adopté et m’offre une sérénité
incroyable en me faisant ce cadeau de m’endormir sous le bercement de ses
ronrons.
Vendredi ça fera six mois pile poil.
Plus ça va plus je me dis que cette durée de six ans n’est qu’une hypothèse.
Avec Néo on s’accorde pour dire qu’il se peut que retour il n’y ait point. Pour
être honnête on n’en sait évidemment foutre rien, on sait juste que ce qu’on
vit ici, ensemble et dans nos bulles respectives, figurent parmi les plus beaux
moments de nos vies respectives, et que tout naturellement, ayant la chance de
vivre ça, on n’a aucune envie que le rêve s’interrompe. Et ce qu’on voit à
distance de votre printemps ne donne en effet aucune envie de revenir au point
de départ.
Il se peut qu’on reste bien plus que
prévu, ici, au Paraguay. Il faudra sans doute, surement même, repartir un jour,
mais rien ne nous contraint, rien ne nous oblige à conserver le délai que nous
nous sommes au préalable fixé. Cette décision de tout quitter fut la plus belle
idée que j’aie jamais eue dans ma vie, elle se révèle au quotidien fabuleuse
sur tous les plans. Mais le cadre à l’intérieur, cette idée d’un pays tous les
trois mois, le nombre d’années, tout ça fort heureusement évolué en fonction de
ce que nous vivons.
Nous entrons dans l’automne à pas
feutrés, comme le chantait Barbara, « sous un ciel pourpre et doré ».
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire