Quand advient l’enfant depuis les tréfonds
et qu’il nait, le monde qui l’accueille se hâte de couper le cordon puis d’apaiser
ses cris. Des sourires et des paroles douces et un sein nourrissant l’accueillent
en un concert réconfortant. Qu’incarneront deux soleils, ceux de ses deux
parents.
Qui pour ce nourrisson ne
connaissant rien du monde sont le monde et à deux l’incarnent de manière
harmonieuse, l’une donnant le lait et l’autre le reste. Ainsi posé, le monde et
donc la vie est et n’est qu’amour et douceur, seul un cri suffit pour alerter
et alors, lorsque la demande non formulée est comprise alors l’enfant peut s’endormir
en paix.
Il suffit qu’un des deux voire les
deux à un moment, quel que soit l’âge, vienne à manquer pour que ce monde
prenne une tournure inquiétante. Ainsi donc l’amour aurait son envers, ainsi la
vie ne serait pas que belle et réconfortante et nourrissante, mais au contraire
imprévisible et synonyme de peur.
De la nait une tension première, et
quand cela advient dans les trois premières années alors cela forge en l’enfant
une contraction d’autant plus délicate à décompresser qu’elle fut effectuée à
un âge ou le conscient n’est point là. Le danger a surgi et envahi l’être, qui aussitôt
n’a eu d’autre choix que celui de se protéger de lui-même, ses armes étant hormis
celle-ci absentes.
Le voici parti dans la vie avec pour
horizon de tacher par lui-même en mille chemins de retrouver confiance en ce
qui fut donné puis violemment repris. Une faille au-dedans, un manque, une incompréhension
et donc un gouffre que le chemin de vie, par ses sentiers remplis de virages et
de pierres, se doit de combler.
Difficile existence que celle où l’on
doit chercher ce qu’on désire sans en comprendre les ressorts profonds. C’est
plus simple quand pareille déflagration advient à l’âge adolescent, ou l’on
peut voir à défaut de comprendre et donc interroger le vécu. Car dans le cas précédent
l’aventure consiste à questionner dans une forme de brouillard une énigme
inconnue et incarner dans mille épisodes cette non connaissance, d’en explorer
les limites au travers de besoins inconnus.
C’est difficile, car les êtres aimés
ne comprennent pas cet élan qui pousse d’avant en arrière, cette retenue rendue
nécessaire et qui échappe à celui qui l’émet comme malgré lui. Quelque chose
est là qui ne peut être que donné puis repris, en un triste balancement. Et l’adulte
ne comprend pas, ne peut avant bien des épreuves ou après une qui l’aura particulièrement
marqué comprendre pourquoi il se donne puis pas, et pourquoi l’autre fait de même
envers lui. Il lui est o combien difficile de se mettre à la place de l’autre,
ayant en ces circonstances ou l’affect est en jeu bien du mal à occuper la
sienne.
Car l’amour est toujours associé
inconsciemment à une blessure et à un risque, et l’autre, pour bienveillant et apaisant
qui soit, peut à tout moment basculer dans son exact opposé. Ainsi pense-t-il
sans le savoir, ainsi donc fonctionne-t-il comme à rebours de ses désirs les
plus profonds, qui sont encore assis non sur l’amour pur, mais sur un besoin d’amour
à purger.
Il ne peut advenir d’issue et donc
de retour aux origines que volontairement, par éclatement volontaire de la
bulle protectrice initiale. Il ne peut y avoir en la matière d’issue par le
haut que si l’être en lui-même revient aux sources de cet amour, non pas celui des
origines qu’il aura associé sans le savoir à ses amours adultes, mais bien à ce
dernier. Car tant que cela n’aura eu lieu, alors il y aura reproduction, et
donc enfermement et donc, comme par injonction secrète, échec.
C’est donc bien du dedans, à partir
de la source même du sentiment amoureux, de sa redécouverte et de son émerveillement,
que viendra la libération intérieure et le dépassement. A ce moment-là
personnage et postures s’évanouiront, à ce moment-là et à celui-là seulement la
véritable légèreté s’incarnera dans tous les actes quotidiens. La soi-disante mise
en danger consistant à sauter tête en avant dans le fleuve aura libéré l’esprit
et le corps.
Le besoin aura été tari, et sa disparition donnera lieu à un désir
épuré.
L’être aura enfin quitté l’enfance et sera prêt à affronter l’âme en
paix le monde des grands.
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