jeudi 4 mai 2017

Eclater la bulle


Quand advient l’enfant depuis les tréfonds et qu’il nait, le monde qui l’accueille se hâte de couper le cordon puis d’apaiser ses cris. Des sourires et des paroles douces et un sein nourrissant l’accueillent en un concert réconfortant. Qu’incarneront deux soleils, ceux de ses deux parents.

Qui pour ce nourrisson ne connaissant rien du monde sont le monde et à deux l’incarnent de manière harmonieuse, l’une donnant le lait et l’autre le reste. Ainsi posé, le monde et donc la vie est et n’est qu’amour et douceur, seul un cri suffit pour alerter et alors, lorsque la demande non formulée est comprise alors l’enfant peut s’endormir en paix.

Il suffit qu’un des deux voire les deux à un moment, quel que soit l’âge, vienne à manquer pour que ce monde prenne une tournure inquiétante. Ainsi donc l’amour aurait son envers, ainsi la vie ne serait pas que belle et réconfortante et nourrissante, mais au contraire imprévisible et synonyme de peur.

De la nait une tension première, et quand cela advient dans les trois premières années alors cela forge en l’enfant une contraction d’autant plus délicate à décompresser qu’elle fut effectuée à un âge ou le conscient n’est point là. Le danger a surgi et envahi l’être, qui aussitôt n’a eu d’autre choix que celui de se protéger de lui-même, ses armes étant hormis celle-ci absentes.

Le voici parti dans la vie avec pour horizon de tacher par lui-même en mille chemins de retrouver confiance en ce qui fut donné puis violemment repris. Une faille au-dedans, un manque, une incompréhension et donc un gouffre que le chemin de vie, par ses sentiers remplis de virages et de pierres, se doit de combler.
Difficile existence que celle où l’on doit chercher ce qu’on désire sans en comprendre les ressorts profonds. C’est plus simple quand pareille déflagration advient à l’âge adolescent, ou l’on peut voir à défaut de comprendre et donc interroger le vécu. Car dans le cas précédent l’aventure consiste à questionner dans une forme de brouillard une énigme inconnue et incarner dans mille épisodes cette non connaissance, d’en explorer les limites au travers de besoins inconnus. 

C’est difficile, car les êtres aimés ne comprennent pas cet élan qui pousse d’avant en arrière, cette retenue rendue nécessaire et qui échappe à celui qui l’émet comme malgré lui. Quelque chose est là qui ne peut être que donné puis repris, en un triste balancement. Et l’adulte ne comprend pas, ne peut avant bien des épreuves ou après une qui l’aura particulièrement marqué comprendre pourquoi il se donne puis pas, et pourquoi l’autre fait de même envers lui. Il lui est o combien difficile de se mettre à la place de l’autre, ayant en ces circonstances ou l’affect est en jeu bien du mal à occuper la sienne.

Car l’amour est toujours associé inconsciemment à une blessure et à un risque, et l’autre, pour bienveillant et apaisant qui soit, peut à tout moment basculer dans son exact opposé. Ainsi pense-t-il sans le savoir, ainsi donc fonctionne-t-il comme à rebours de ses désirs les plus profonds, qui sont encore assis non sur l’amour pur, mais sur un besoin d’amour à purger.

Il ne peut advenir d’issue et donc de retour aux origines que volontairement, par éclatement volontaire de la bulle protectrice initiale. Il ne peut y avoir en la matière d’issue par le haut que si l’être en lui-même revient aux sources de cet amour, non pas celui des origines qu’il aura associé sans le savoir à ses amours adultes, mais bien à ce dernier. Car tant que cela n’aura eu lieu, alors il y aura reproduction, et donc enfermement et donc, comme par injonction secrète, échec.


C’est donc bien du dedans, à partir de la source même du sentiment amoureux, de sa redécouverte et de son émerveillement, que viendra la libération intérieure et le dépassement. A ce moment-là personnage et postures s’évanouiront, à ce moment-là et à celui-là seulement la véritable légèreté s’incarnera dans tous les actes quotidiens. La soi-disante mise en danger consistant à sauter tête en avant dans le fleuve aura libéré l’esprit et le corps. 

Le besoin aura été tari, et sa disparition donnera lieu à un désir épuré. 

L’être aura enfin quitté l’enfance et sera prêt à affronter l’âme en paix le monde des grands.


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