Il devait avoir un mois et demie
tout au plus quand nous sommes arrivés dans la maison au grand jardin, et avait
alors sa maman. Laquelle, je vous en fis le récit il y a un peu plus d’un mois,
mourut sous mes yeux dans d’atroces souffrances un soir d’avril.
A compter du lendemain, je devins
par son choix le papa de cette adorable petite boule de poils noir et blanc
avec une petite moustache à la Hitler. Nous préférâmes l’appeler Chaplin, du
nom du génial réalisateur de cinéma.
Chaplin a de son illustre modèle les
mêmes pattes toutes blanches avec lesquelles il joue comme Charlot dans La ruée vers l’or dans la célébrissime scène
des petits pains.
Ce chaton hyper sociable et hyper
joueur est un poème. Véritable boite à ronrons, il me précède et me suit comme
le ferait un chien et manque cent fois de me faire tomber. Très proche de l’humain,
il ne craint personne et vient se lover sur les genoux de chacun à tout moment.
Grand bouffeur de cafards, alerte par le moindre insecte à tout moment, il se
tient toujours en affut, authentique prédateur et félin jusqu’au bout de ses griffes,
bondissant d’une fort drôle façon et se prenant parfois des vestes quand il
saute sur son frère plus âgé Le Chat.
La vieille chienne Queen à trois
pattes avec son œil crevé à la David Bowie se fait souvent sauter à la queue
mais jamais ne réagit. Le freluquet adore bondir, grimper sur le mur et passer
dans le jardin d’à côté, monter dans un arbre et sur le toit puis miauler pour
que je vienne le chercher, s’introduire dans les placards de la cuisine et
foutre le bordel dans les casseroles, sauter dans le tiroir ouvert de ma commode
et se rouler dans mes fringues, rentrer par les petits espaces de la fenêtre et
tomber le museau sur le lit de ma chambre, se faufiler partout où c’est pas
permis, bondir au matin quand la señora ouvre la porte pour appeler ses
croquettes, sauter sur nos genoux à tout moment et venir se frotter contre ma
barbe, monter sur mes genoux quand je suis sur le trône aux chiottes. Et
surtout, surtout, se glisser vers vingt heures trente dans ma chambre et m’attendre.
Sitôt allongé il se frotte à moi me
monte dessus, quémande caresses et câlins, et ronronne comme un demeuré jusqu’à
ce que je m’endorme. De toute la nuit il ne me quitte pas d’un pouce, si jamais
je bouge trop il s’éloigne puis revient se lover contre moi, sous mon bras, sur
mon torse, contre mon cou. Certains matins je sens ses petites pattes froides
me monter dessus et se poser sur mon visage, et sa petite langue râpeuse me lécher
le bout du nez. Il a faim le petiot, allez debout, à la cuisine ! Quand c’est
trop tôt et que la porte est fermée a clef, tous deux attendons sagement assis,
lui sur moi, que la señora s’éveille. Dès qu’il entend le bruit de la poignée
il fonce et klaxonne de miaous miaous à fond les ballons.
Ce chaton est une bénédiction, un
amour, un poème et un sketch ambulant. C’est la raison je pense secrète de ma résistance
à partir d’ici. Juan à qui il appartient m’a dit « Prends le avec toi
puisqu’il t’a choisi je te le donne ». Je n’arrive pas à me décider, moi
qui ne veux plus de fil à la patte. Sauf que des que je l’aperçois je fonds comme
le dernier des cons.
Comment résister à autant d’amour ?
Photo Credit : Moshe Amram (alias Neo Echard)
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