Depuis cinq mois que j’ai quitté l’Europe
pour l’Amérique du Sud, je n’ai presque pas eu une occasion de voir des gens
(en l’occurrence brésiliens ou paraguayens) polémiquer, s’engueuler ou médire.
Quelques cas isolés au Brésil, et aucun ici au Paraguay. Cela ne fait tout
bonnement pas partie de la culture.
Celle-ci au contraire (est-ce l’influence
de la religion catholique telle qu’elle est pratiquée par tous ? le climat ?)
conduit les gens à tisser entre eux des liens amicaux et paisibles en toutes
circonstances, à rire et à sourire, à rester léger y compris quand survient un
accident (ce que j’ai pu observer en salle d’urgence à l’hôpital) et à considérer
l’autre comme un être à sa hauteur avec lequel la complicité et la fraternité
sont des évidences. L’esprit de compétition n’existe en toute vraisemblance
pas, ou s’il existe alors il se terre en profondeur. Ni arrogance, ni
hypocrisie, ni sourires de façades, ni sous-entendus, ni procès d’intention, ni
espionnage de la vie d’autrui à des fins diverses et variées : au
contraire, de la bienveillance posée comme un horizon a tous, de la serviabilité,
de la politesse, et une forme de discrétion appréciable.
Je ne pense point que les gens ici
soient meilleurs en soi ou supérieurs à ceux de là-bas. N’étant point juge mais
humaniste, je pense que le contexte dans lequel un individu évolue conditionne
en très grande partie son mental comme son comportement. Et que ce contexte procède
selon les lieux et les cultures comme un nivellement par le haut ou par le bas.
Et que donc, si les individus sont évidemment responsables de leurs actes, ils
ne sont en rien coupables.
Pour survivre en tant que société,
celle-ci, à partir des règles qu’elle aura érigées, aura besoin quant à elle de
désigner des coupables. Elle désignera ceux-ci et ignorera ceux-là, se refusant
à interroger le ferment qu’elle aura laissé croitre pouvant conditionner le passage à l’acte de
celui-ci qu’elle aura placé sous les barreaux. Elle ne traitera pas tous de la même
manière et avec le même empressement et se montrera o combien plus clémente
envers les puissants qu’ à l’égard des petits, n’acceptant que sous la pression de faire de temps en temps un exemple, histoire de dire : voyez comme je
suis juste.
Dans le cadre d’une société violente
par essence car basée sur la compétition de chacun avec tous qui a mis en place
des verrous de bienséance, mettre sous les barreaux les brebis galeuses dans
des conditions indignes n’intéresse pas grand monde. Les prisons et les asiles
sont les espaces ou le droit n’existe guère dans le monde occidental. On traite
mieux chiens et chats que ces gens-là que l’on ne considère même pas comme des êtres
humains.
Comment s’étonner qu’incarcérés
comme des bêtes ces mêmes individus renforcent pour la plupart la violence qu’ils
avaient laissé croitre avant ? Croit-on que c’est en bouchant leur horizon
et en les tassant à quatre dans de minuscules cellules avec un toilette qui déborde
a deux mètres d’un lit dur qu’on va faire d’eux de paisibles repentis ? Ne
nous étonnons pas que nos prisons deviennent des nids de radicalisation : à
trop humilier on crée les monstres qui un jour nous égorgeront.
Personne ne nait mauvais, aucun bébé,
aucun enfant ne nait au monde pour faire le mal, et ce qu’on nomme « monstre »
n’existe que dans les contes pour enfants, les romans et les films. Il y a
mille et une façons de faire le mal ou de l’incarner et on peut se poser la
question de savoir si les associés de Goldman Sachs sont aussi, plus ou moins
criminels que le type qui hier a assassiné sa famille à bout portant. Aucun d’eux
à la naissance n’était programme pour cela, pourtant cela fut bel et bien fait.
A qui la faute ? A quoi, plutôt ! Sommes-nous si bons juges pour nous-mêmes
que nous le sommes pour les autres ?
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