Les écueils et les échecs
constituent de magnifiques occasions que la vie malicieuse nous tend de trouver
par nous-mêmes et en nous-mêmes, au-delà de la clef permettant de sortir de la
nasse, ces secrets enfouis au plus profond qui expliquent et conditionnent ce
plafond au-dessus de nos têtes qui empêchent l’envol. Il est du ressort de l’expérience
que d’un jour accepter que non, ce n’était pas la faute des autres ou d’un
autre, cette explication pratique, plausible un temps, cela a l’épreuve du
temps ne suffit plus à combler les vides, on l’a fait une fois puis deux puis
trois, puis la vie nous a resservi le plat. A un moment vient le temps de
porter le regard vers soi, a l’intérieur, c’est-à-dire au seul endroit au monde
on l’on puisse opérer un véritable bouleversement.
Et c’est là, c’est à ce moment-là, c’est
alors qu’on entame ce chemin en dedans et que, courageusement dans la nuit on quête
la lueur au loin, celle-là des origines, celle-là au plus profond, cette chose,
ce fait, cette réalité enfouie, cette blessure occultée, ce manque qui a fait
qu’au lieu de crier par exemple l’on n’eut alors d’autre choix, mais était-on
seulement en âge de comprendre, que de s’enfouir et de s’enfermer dans une
bulle en apparence protectrice, parce que ça criait trop, que c’était plus qu’insupportable :
bouleversant ! Pensez, un tout petit enfant désarmé assistant impuissant
au déchainement du volcan, ces parents qui se déchirent, cette mère qui pleure
et ce père ivre qui gueule et porte sur elle la main, ces deux astres soudain
assombris et ce monde qui a peine éclos s’écroule sur lui-même, tandis que l’enfant
est là, à quatre pattes, médusé, dans la cuisine, ne pouvant faire un pas, prononcer
un son, se faire remarquer même …
Plus tard – des années, des décennies
plus tard – quand adviendra la répétition du trauma originel alors se remettra
en place le même mécanisme de survie. De peur de rompre le cœur se bloquera,
fermant alors la plus belle porte, sans vouloir mal faire, sans même l’avoir ni
voulu ni souhaité, sans même s’en être rendu compte, parce que placé à nouveau
au cœur du gouffre des origines, il n’y a tout bonnement pas d’autre sortie que
de faire ça. Ca ressemble à une fuite et d’ailleurs c’en est une, mais aussi
noble que pardonnable. La violence, la répétition de la violence originelle,
cette violence qui est pourtant une donnée impossible à éliminer de la vie
adulte – cette violence, intolérable, insupportable, ressentie tout du moins
comme telle, créée comme son envers, qui sur l’instant permet d’avancer et donne
l’illusion d’avoir ensuite progressé.
Sauf que – malicieuse -, la vie
ressert ensuite une troisième, puis une quatrième, puis une cinquième fois. Jusqu’à
épuisement de toutes les fuites, et jusqu’à ce que soudain saisi, l’enfant à quatre
pattes devenu enfin adulte se décide de se relever du sol et d’affronter l’obscurité.
Le voilà donc face à lui-même, se
regardant agir comme à distance, apprenant à s’observer et à chercher au-dedans,
refaisant le chemin à rebours pour trouver la porte de sortie. Le revoilà qui,
revisitant les évènements séparés de quelques années, ces histoires aussi
identiques que dissemblables il parviendra tisser ce fil les reliant au point d’orgue.
Et, loin de s’accuser d’une faute non commise, il entamera alors une des plus
belles quêtes qui soient, celle-là qu’on peut faire sans bouger d’un iota :
celle qui conduit au cœur de soi.
De cette quête il éprouvera alors, à
compter de la réouverture de ce petit muscle recouvert d’une bulle protectrice,
une libération et un souffle nouveau. Quelque chose d’inconnu et de magique,
ouvrant des portes telles ces substances chimiques qu’on absorbe sur certains
dancefloors, sauf que la substance sera générée directement au-dedans et se régénérera
d’elle-même de plus en plus au fil du temps.
C’est à compter de là que, prenant
son envol, l’oiseau bleu aura trouvé sans l’aide de quiconque que de lui-même,
cette recette miraculeuse, condition d’un vrai bonheur durable : celle de la
légèreté accouplée de profondeur.
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