Nos sociétés occidentalo libertaires
ont, dans le droit fil des évènements de 68, mis en selle un nouveau profil dont
les clones ne cessent dans nos villes et nos villages de pousser comme des
champignons et d’imposer leurs braillements et leurs caprices. Ces bambins à
qui tout est permis font fondre des parents dépassés par les évènements et
incapables de faire preuve d’autorité, quand la charmante tête blonde
outrepasse toutes les limites au point de rendre à tout un wagon impossible un
peu de silence. Quiconque intervient-il est alors accusé de mille procès, comme
celui de ne pas aimer les enfants. Et il faut parfois s’y mettre à plusieurs
pour que le parent défaillant, en l’occurrence lui-même surpris en
infantilisation manifeste, accepte de fait la leçon et s’exécute sous la
force du nombre.
Cet abandon parental consistant à
immoler son sens de l’autorité devant le Saint Bambin fait des ravages au sein
d’une société aveuglement fascinée par la jeunesse et a la quête elle-même de
sa jeunesse perdue. Des nymphes à peine sexuées marchant comme des robots sont
mises en épingle pour incarner la « norme ». Jeunes femmes et jeunes
hommes poupées sont ainsi exposées comme des morceaux de viande appétissants
sur les autobus. Même les gays (certains du moins), jamais à la traine quand il
s’agit d’en demander toujours plus, exigent leur marmaille. Tout le monde veut
son Ken et sa Barbie, tout le monde veut redevenir Ken et Barbie, c’est posé en
horizon sociétal. Le jeune est par définition l’alpha et l’oméga, il est par définition
parfait, charmant, mignon, craquant, c’est le modèle a suivre et les générations
suivantes se doivent non seulement tout lui céder mais en plus lui ressembler,
adopter ses codes, écouter sa musique, se mêler à ses communautés et ricaner
comme des adolescents avec lui.
Quand l’adulte démissionne, le seul
qui y perd c’est le jeune. Bien entendu ce parc d’attraction proposé comme El
Dorado fonctionne quelque temps, et le petiot peut faire illusion quelques années
en faisant raquer papa maman et tous leurs nombreux ersatz en occupant le
centre de la scène.
Seulement voilà : cet oisillon inexpérimenté
maintenu dans une position d’absolue ignorance de ce qu’est la vie et de ce que
sont les limites et les dangers qui rodent a intériorisé une inaptitude à se
fondre dans une réalité qui l’attend comme un chat attend que la souris sorte
du trou.
Immaturité et irresponsabilité ne
sont pas chez eux des comportements dus à leur vouloir mais bel et bien à
porter au débit de parents démissionnaires ou absents. Manque de bol, quand ça
tangue pour Bébé, les parents sont loin.
Elever un enfant c’est certes lui
apporter le minimum de sécurité et répondre à ses besoins fondamentaux tout en
lui offrant de l’amour. C’est aussi lui apprendre en situation les limites à ne
pas dépasser si l’on veut ensuite qu’il soit en capacité par lui-même de
traverser les tempêtes. Or que peuvent faire dans le cœur des cyclones ces
charmantes têtes blondes surprotégées sinon faire l’autruche et pleurer sur
leur sort ? Leur amour propres et leur sens de la repartie ne leur sont d’aucun
secours, ils auront été entretenus dans l’illusion d’une force qu’ils n’auront
jamais, ayant été depuis toujours surprotégés, construite intérieurement.
Dire non à un enfant, lui apprendre,
plus que la politesse, le respect, de ses ainés et de l’expérience notamment. Lui
enseigner à un jeune âge que sa croissance en tant qu’adulte ne peut se faire
que grâce à l’apport d’êtres bienveillants qu’il lui importera de savoir
trouver dans les foules croisées. Transmettre le témoin à l’enfant, lui fournir
les armes et les défenses, le préparer à une vie ou tout un chacun ne grandit
et ne mature jamais autant que quand arrive le temps des épreuves et des difficultés.
Le faire patiemment sans lui faire peur, et lui apprendre à ne pas avoir peur d’avoir
justement peur, parce que la peur nourrit la souffrance au moment où elle est là.
Voilà ce que qu’à mon sens c’est que
transmettre, voilà comment on prépare un enfant à devenir un homme. Les enfants
rois de nos jours se voient dorénavant affronter un avenir incertain, inquiétant
même, ou les guerres économiques et éventuellement militaires les mettent les
uns avec les autres en compétition. Cette chair à canons impréparée et fragile
me fait immédiatement penser à ces armées de jeunes décervelés envoyées se
faire dévorer par des monstres tentaculaires qui les réduisait en bouillie dans
le drolissime et cruel Starship Troopers.
Dans ces combats-là, seuls les moins
péremptoires s’en sortiront indemnes. Ceux-là, les petits trésors a moman qui
sauront s’affranchir intuitivement de cet amour réel mais incomplet. Ceux qui auront la clairvoyance de comprendre que leurs copains ne peuvent rien faire pour eux, qu'ils sont comme des figurants perdus dans la nasse. Ceux qui,
sentant qu’au-dedans, à l’ endroit même de leurs fondations, quelque chose d’essentiel
manque cruellement, auront cette clairvoyance d’entrevoir, contre toute l’éducation
qu’ils auront jusque là reçue, que pour devenir eux-mêmes il leur faudra
courageusement reconstruire brique après brique la maison.
A ceux-là, les plus vaillants, je
souhaite « bon courage » avec affection et leur dis à partir de ma
propre expérience : c’est formidable, ce que tu fais, ça risque d’être
long et pas facile, mais ça en vaut vraiment la peine. Parce qu’au bout tu
auras tout simplement construit par toi-même ta propre liberté, qui n’appartiendra
qu’à toi-même et qui sera ton œuvre.
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