15 euros par jour et par tête de
pipe, voilà l’équation. 15 euros TTC tout
compris. Etre logé, se nourrir, acheter ses clopes, ses bières, un t-shirt ou
une fringue de temps à autre. Ne rien accumuler bien sûr, car accumuler
signifie poids, et poids crampes quand on bouge avec le sac à dos. Ne garder
que le nécessaire donc, attendre qu’un truc s’use pour le remplacer. Pas de
gras, peu de possessions, et donc de fait prendre un soin tout particulier à ce
peu-là. Bien sûr ne rien louer, ni maison ni appartement sur la durée, tout en
s’offrant ce luxe de pouvoir comme actuellement prolonger de semaine en semaine
une halte particulièrement agréable.
Cet enfer de la propriété :
quelle joie d’en être sorti ! A tout moment se donner la liberté de pouvoir
partir du jour au lendemain, simplement sur l’envie, sans être retenu par aucun
fil à la patte. Aucun meuble, aucune facture, aucune quittance : que tes
jambes et rien que ça.
Gagner beaucoup importe peu, ce qui
compte c’est pouvoir pleinement profiter de ce que tu gagnes, du peu que tu
gagnes. Ici avec 1000 euros je tiens quatre fois plus longtemps qu’à Paris au
moins. La vie offrant chaque jour des merveilles juste en bas de ta porte,
aucun besoin de sortir, de se distraire, de compenser. Pas d’horaires imposés,
et pourtant me concernant une rigueur que je m’impose chaque jour, une rigueur
voulue, donc une liberté. Rien ne m’y contraint. Je n’ai jamais eu aussi peu gagné
et aussi peu besoin de gagner et autant profité : joli paradoxe.
Ce sont les cadres et les carcans
qui créent restrictions, besoins de compenser et frustrations. Posséder m’apparait
compte tenu de ma nature le contraire d’une liberté, une non chance, un
asservissement. Etre contraint de planifier le remplacement d’une chaudière ou
d’une machine à laver, au lieu d’être là à écrire et à marcher tranquillement
dans les rues ensoleillées : quelle barbe !
Les seuls rendez-vous sont ceux que
je me donne à moi-même et le reste s’adapte selon les envies du moment. Ce que
je ne souhaite faire ce jour est fait le lendemain ou deux jours plus tard.
Plus aucun cadre de qui que ce soit ne m’est actuellement imposé, la vie telle
qu’elle se présente y compris dans ses dimensions bassement matériels le permet :
mieux, y conduit. C’est l’âge idéal pour dire et pour acter : les efforts
ont été faits, maintenant passons à autre chose.
L’argent est redevenu ce qu’il n’aurait
jamais cessé d’être, enfin : un moyen et non une finalité, un facilitateur
et non un carcan. Il suffisait en définitive de refuser radicalement tout un système
et de ne faire aucune concession sur rien. Il suffisait de récuser tous les
avis raisonnables et de n’écouter que ma propre déraison. Laquelle est arrivée à
ses fins a la longue.
Pour combien de temps ? Mais à
quoi bon cette question contrôlante – quand chaque jour chaque instant apporte
tout ce qui convient depuis des mois et des mois ? A quoi bon revenir à
ces raisonnements alambiqués d’antan qui obscurcissaient l’horizon en faisant
trop référence à l’hier et à demain ? C’est passé hier, et demain on verra bien.
Et voilà que me reviennent ces
strophes d’une chanson de Barbara. Qui une fois encore illustrent parfaitement ce
que présentement je vis.
A te regarder vivre, je m'émerveille
Et j'en oublie l'hiver et son cortège.
Je ne vois plus tomber la neige.
J'ai trouvé, ce matin, à mon réveil,
Ce petit bout de givre sur mon sommeil.
J'ai trouvé, ce matin, au creux de moi,
Comme un cristal, ce bout de froid
Et j'ai posé sur ton épaule,
On ne croira pas, c'est vraiment drôle
Mais je l'ai vu se fondre, tout pareil
Comme du givre à ton sommeil.
Je vis sous un ciel aux couleurs d'ombre
Qui n'a ni juillet, ni décembre
A te regarder vivre, à l'abandon.
J'ai choisi pour saison, la déraison
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