samedi 8 avril 2017

Et les lapins-crétins s'aimeront jusqu'à la fin des temps


Même si dans la dernière ligne droite d’une campagne quelque peu mouvementée ceci ne correspond pas exactement aux discours défendus sur la plupart des tréteaux, il conviendrait sans doute de rappeler que, dans son acceptation contemporaine encore plus, la « politique » n’a rien à voir avec ce qu’on nomme bien ou mal. Ce n’est tout bonnement pas son objet, ce n’est aucunement ce qui la motive et ce vers quoi elle tend.

Accorder quelque crédit à un candidat prétendant faire ceci pour faire du bien (au pays, au peuple, à telle ou telle catégorie…) est faire preuve d’une grande naïveté, également d’égarements face aux leçons de l’Histoire. Elle peut (les exemples abondent) contribuer à apporter une amélioration ou à son antithèse, mais en rien ne doit être confondue avec ces notions éthiques dont nous avons par ailleurs chacun une définition aussi subjective que fluctuante dans le temps et dans l’espace.

La politique est un métier avant tout – c’est-à-dire un exercice qui a trait au pouvoir et à l’art de l’obtenir puis de le conserver. Il n’est pas à mon sens choquant en soi qu’en tant que métier elle attire a soi des professionnels de la politique, plus ou moins bons bien sûr, plus ou moins roues ou menteurs ou manipulateurs ou habiles. Ceux (suivez mon regard) qui prétendent ainsi renouveler le cheptel en attirant des « gens comme vous et moi » c’est-à-dire des gens issu de la société civile sont bien plus que les autres qui vont puiser en leurs rangs les brebis de sacrés tartuffes. Ils savent que ceux qui les rejoindront se glisseront dans le moule qu’ils lui auront concocté.

On sait ce qu’on perd, on ne sait guère ce qu’on gagne en lieu de, et si on y gagne. Ce qui est certain c’est que l’arnaque, elle, est inscrite à l’origine de ce projet mensonger qui consiste à préserver tout un système en changeant simplement la moitié du casting. Quand le ressort d’une offre politique est à ce point truqué, il convient de s’attendre au pire.

On peut jouer les nouveautés en prétendant mettre à bas cinq cent bonshommes aux costumes trop froissés de s’être avachis sur des bancs d’assemblées depuis trente ans. On peut le faire croire. On peut aussi demander aux petits nouveaux de signer une charte de bonne conduite et de vote automatique, comme le fait ce petit marquis à qui je ne ferai pas l’honneur de citer son nom. Mais alors, on ne se contente pas de refaire ce qu’avant les deux autres grandes forces dites « de gouvernement » faisaient avec leurs disciplines de partis qui mettaient sous contraintes leurs députés : on fait pire, bien pire qu’eux. En envoyant dans le décor quelques esprits se pensant libres et qui les yeux fermés signent la fin définitive de leurs illusions. Parce que l’exercice du pouvoir, à ces fraiches brebis, ne leur donnerait pas un an pour découvrir la supercherie : ils voulaient par leurs engagements rompre avec l’Ancien Régime et les voilà qui ont remis Louis XVI sur le trône ! Pauvres chéris …

La politique ce n’est pas une stratégie de communication dictée dans les bureaux d’EURO RSCG, ce n’est pas un storytelling sur papier glacé, ce ne sont pas des sms qui remplissent ton disque dur pour te demander d’applaudir, ce ne sont pas des sondages truqués par des instituts plus qu’acquis à une cause, ce ne sont pas des slides powerpoint et des envolées christiques vides faisant passer Rael pour un bonze. La politique c’est un métier et pas cette guignolade hyper marketée -  fort bien jouée le plus souvent par un joli gars qui cause et sourit bien dans le poste et sait aussi débattre.

La politique ça s’adresse, à ce niveau-là du moins, à des femmes et des hommes qui n’ont pas besoin d’ouvrir Le Monde pour savoir quoi penser, et qui ne choisissent pas tels des BHL de salon de serrer la main à tel ou telle et de la refuser à tel autre. La culture géostratégique ne s’improvise pas et n’est aucunement un cours de bonne conduite avec distribution de bons et mauvais points. Si tu penses ça, toi le spécialiste en Haut de Bilan, deviens curé ou prof, et retourne à tes cours de théâtre. Aucun coaching ne te transformera en expert de ce dont tu ignores tout.

Toutes les campagnes depuis 1981 ont élu le candidat dont la « promesse de vente » était la plus alléchante, et tous les électeurs furent ensuite déçus. Ne reprochons pas au personnel politique de nous séduire, c’est leur métier. « Changer la vie », « Réduire la fracture sociale », « Ensemble tout est possible », « Le changement c’est maintenant » : ce n’est quand même pas à nous de les accuser d’être collectivement de grands naïfs ! Ce n’est pas qu’ils mentent, c’est que nous croyons que leur métier est de dire la vérité. C’est ça qui pose problème. Leurs carrières, leurs convictions à géométrie variable, leurs actes, vu que ce ne sont pas les perdreaux de l’année qui postulent on les connait toujours avant, inutile de faire les étonnés quand ils tournent le dos à leurs engagements, il suffisait de se renseigner et d’aller fouiller les archives. Nous n’avons jamais eu que ce que nous méritions.


Avec ce petit dernier qui prétend tout remettre en cause et qui en effet a franchi d’immenses caps dans la capacité à construire quelque chose à partir du rien (ou plutôt d’un bilan rejeté qui est le sien) une illusion d’optique sidérale, on vient de franchir le mur du çon. Qu’il passe, et nous serons tous devenus les acteurs d’une sitcom aux couleurs rose et bleue en voie vers l’ubérisation heureuse. Un cauchemar éveillé sur fond de musique d’ascenseur ou tous les lapins crétins s’aimeront jusqu’à la fin des temps. 

Un peuple bas de plafond dirigé par un spécialiste de haut de bilan : vous y croyez à ça vous ?

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