Même si dans la dernière ligne
droite d’une campagne quelque peu mouvementée ceci ne correspond pas exactement
aux discours défendus sur la plupart des tréteaux, il conviendrait sans doute
de rappeler que, dans son acceptation contemporaine encore plus, la « politique » n’a rien à
voir avec ce qu’on nomme bien ou mal. Ce n’est tout bonnement pas son
objet, ce n’est aucunement ce qui la motive et ce vers quoi elle tend.
Accorder quelque crédit à un candidat
prétendant faire ceci pour faire du bien (au pays, au peuple, à telle ou telle catégorie…)
est faire preuve d’une grande naïveté, également d’égarements face aux leçons
de l’Histoire. Elle peut (les exemples abondent) contribuer à apporter une amélioration
ou à son antithèse, mais en rien ne doit être confondue avec ces notions éthiques
dont nous avons par ailleurs chacun une définition aussi subjective que
fluctuante dans le temps et dans l’espace.
La
politique est un métier avant tout – c’est-à-dire
un exercice qui a trait au pouvoir et à
l’art de l’obtenir puis de le conserver. Il n’est pas à mon sens choquant
en soi qu’en tant que métier elle attire a soi des professionnels de la politique,
plus ou moins bons bien sûr, plus ou moins roues ou menteurs ou manipulateurs
ou habiles. Ceux (suivez mon regard) qui prétendent ainsi renouveler le cheptel
en attirant des « gens comme vous et moi » c’est-à-dire des gens issu
de la société civile sont bien plus que les autres qui vont puiser en leurs
rangs les brebis de sacrés tartuffes. Ils savent que ceux qui les rejoindront
se glisseront dans le moule qu’ils lui auront concocté.
On
sait ce qu’on perd, on ne sait guère ce qu’on gagne en lieu de, et si on y
gagne. Ce qui est certain c’est que l’arnaque,
elle, est inscrite à l’origine de ce projet mensonger qui consiste à préserver
tout un système en changeant simplement la moitié du casting. Quand le ressort
d’une offre politique est à ce point truqué, il convient de s’attendre au pire.
On peut jouer les nouveautés en prétendant
mettre à bas cinq cent bonshommes aux costumes trop froissés de s’être avachis
sur des bancs d’assemblées depuis trente ans. On peut le faire croire. On peut
aussi demander aux petits nouveaux de signer une charte de bonne conduite et de
vote automatique, comme le fait ce petit marquis à qui je ne ferai pas l’honneur
de citer son nom. Mais alors, on ne se contente pas de refaire ce qu’avant les
deux autres grandes forces dites « de gouvernement » faisaient avec
leurs disciplines de partis qui mettaient sous contraintes leurs députés :
on fait pire, bien pire qu’eux. En envoyant dans le décor quelques esprits se
pensant libres et qui les yeux fermés signent la fin définitive de leurs
illusions. Parce que l’exercice du pouvoir, à ces fraiches brebis, ne leur
donnerait pas un an pour découvrir la supercherie : ils voulaient par
leurs engagements rompre avec l’Ancien Régime et les voilà qui ont remis Louis
XVI sur le trône ! Pauvres chéris …
La politique ce n’est pas une stratégie
de communication dictée dans les bureaux d’EURO RSCG, ce n’est pas un storytelling
sur papier glacé, ce ne sont pas des sms qui remplissent ton disque dur pour te
demander d’applaudir, ce ne sont pas des sondages truqués par des instituts
plus qu’acquis à une cause, ce ne sont pas des slides powerpoint et des envolées
christiques vides faisant passer Rael pour un bonze. La politique c’est un métier
et pas cette guignolade hyper marketée - fort bien jouée le plus souvent par un joli
gars qui cause et sourit bien dans le poste et sait aussi débattre.
La politique ça s’adresse, à ce niveau-là
du moins, à des femmes et des hommes qui n’ont pas besoin d’ouvrir Le Monde
pour savoir quoi penser, et qui ne choisissent pas tels des BHL de salon de
serrer la main à tel ou telle et de la refuser à tel autre. La culture géostratégique
ne s’improvise pas et n’est aucunement un cours de bonne conduite avec
distribution de bons et mauvais points. Si tu penses ça, toi le spécialiste en
Haut de Bilan, deviens curé ou prof, et retourne à tes cours de théâtre. Aucun
coaching ne te transformera en expert de ce dont tu ignores tout.
Toutes les campagnes depuis 1981 ont
élu le candidat dont la « promesse de vente » était la plus alléchante,
et tous les électeurs furent ensuite déçus. Ne reprochons pas au personnel
politique de nous séduire, c’est leur métier. « Changer la vie », « Réduire
la fracture sociale », « Ensemble tout est possible », « Le
changement c’est maintenant » : ce n’est quand même pas à nous de les
accuser d’être collectivement de grands naïfs ! Ce n’est pas qu’ils
mentent, c’est que nous croyons que leur métier est de dire la vérité. C’est ça
qui pose problème. Leurs carrières, leurs convictions à géométrie variable,
leurs actes, vu que ce ne sont pas les perdreaux de l’année qui postulent on
les connait toujours avant, inutile de faire les étonnés quand ils tournent le
dos à leurs engagements, il suffisait de se renseigner et d’aller fouiller les
archives. Nous n’avons jamais eu que ce que nous méritions.
Avec ce petit dernier qui prétend
tout remettre en cause et qui en effet a franchi d’immenses caps dans la capacité
à construire quelque chose à partir du rien (ou plutôt d’un bilan rejeté qui
est le sien) une illusion d’optique sidérale, on vient de franchir le mur du
çon. Qu’il passe, et nous serons tous devenus les acteurs d’une sitcom aux
couleurs rose et bleue en voie vers l’ubérisation heureuse. Un cauchemar éveillé
sur fond de musique d’ascenseur ou tous les lapins crétins s’aimeront jusqu’à la
fin des temps.
Un peuple bas de plafond dirigé par un spécialiste de haut de
bilan : vous y croyez à ça vous ?
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