Ayant lu ici et là de forts (et
justes) agacements à propos de ces débats entre candidats censés nous éclairer
sur chacun d’eux, ayant assisté quelque peu atterré à quelques séquences de
certains sans jamais avoir eu la force d’aller jusqu’à leur terme, constatant à
quel point après des mois de tours de pistes le nombre d’indécis est encore élevé
et me souvenant à quel point d’anciens débats de bien meilleure tenue ne nous
avaient guère mis face à la réalité du pouvoir pratiqué après par le vainqueur,
j’en suis venu à songer que les méthodes utilisées dans mon métier de recruteur de
cadres dirigeants devraient inspirer des médias soucieux
de mettre l’électeur face à autre chose qu’une comédie de masques.
Il ne me semble pas que le métier de
Président consiste à savoir bien débattre, bien parer aux coups de l’adversaire
sur un ring et bien causer dans le poste. Pas davantage à nous présenter thème
par thème un catalogue de mesures, dont il tiendra forcément compte après, qui
comptent certes et beaucoup mais seront de toutes manières sujettes et a des débats
aux assemblées (donc à des amendements voire des abandons) et aux feux d’une actualité
qui sur tel ou tel sujet peut réellement impacter ce qu’on a écrit l’avant-veille.
Mais bien en 1er lieu de définir
clairement une vision, c’est-à-dire un cap à partir d’une définition rigoureuse
du cadre (du pays), de son environnement extérieur et de la manière dont il
articule l’un vis-à-vis de l’autre sur une échelle de temps égale a cinq ans.
Puis en second de démontrer sa capacité
à incarner cette vision en situation – ce qui en d’autres termes revient à une
question de caractère. Car avoir une vision claire sans le caractère pour l'incarner
et donc la transcrire en actes ou un caractère de leader sans vision claire :
comme on dit en recrutement il manque un critère clef.
Ces dirigeants généraux que j’ai contribué
à choisir pour des groupes indépendants avaient pour particularité d’être
impliqués directement dans la construction d’une stratégie. Maitres d’œuvres et
chefs d’orchestre de la symphonie, ils étaient également salariés d’un
collectif auquel ils rendaient des comptes et avaient au-dessus d’eux un Président
qui incarnait la continuité sans interférer trop sur son action.
Plutôt que de proposer des
entretiens à des candidats rodés depuis l’école à les passer brillamment
(communiquer fait partie du CP pour ces gens-là, et s’il est essentiel que
cette qualité doit être plus que présente, elle ne constitue en rien ce qui va
permettre d’écarter celui-ci au profit de celui-là, l’essentiel n’étant pas l’emballage
mais le contenu), je mis au point une méthode simple.
Premier temps : un exercice de
groupe ou tous les candidats travaillent ensemble comme lors d’un CODIR à un
cas concret devant déboucher sur la préconisation d’une solution et d’un plan d’action.
Parfait pour observer pendant une
heure les leaders de façade et les vrais, les postures, ceux qui tirent la
couverture mais ne parviennent pas à la garder, ceux qui se focalisent sur une position
de consensus, ceux qui freinent et ceux qui accélèrent le débat, et plein d’autres
choses encore. Sans compter que l’observation de la dynamique de groupe donne
lieu à de subtiles observations sur comment chacun se positionne vis-à-vis de l’autre,
du temps et de l’espace. En une heure top chrono le ou les finalistes sont plus
que détectés : passés au laser c’est-à-dire révélés dans un jeu où la mise
en concurrence pousse chacun dans ses retranchements.
L’entretien avec chacun qui suivra
portera sur deux choses et deux seulement : un échange critique sur les
postures et les techniques observées avec effets de zooms sur les moments
critiques individuels. Ceci afin d’observer en situation la capacité de rebond
du postulant, son aptitude à prendre de la hauteur, à raisonner et à agir en
situation de crise ou à maintenir ses positions en les renforçant.
Le second sujet consistera à détailler
le projet stratégique en demandant au candidat de préciser à chaque fois son contenu
tout en le mettant en doute sans le réfuter. Que faire en cas de ? Ce que
vous nommez faiblesse de structure - et
si ? Quid entre la nécessité d’aller en cette direction et celle de
maintenir l’équipage en situation de motivation si celui-ci résiste ? Les
questions très concrètes ne manquent pas, et le candidat de type « réponse
a tout » comme celui dont les options réelles sont dissimulées sous de
fort belles formules échouent à ce moment précis. A ce type d’entretien le media
training ne prépare pas : bien au contraire.
On n’aura sans doute pas (évidemment
pas) une vision objective, scientifique, sure et certaine de chacun, mais on
aura ainsi réussi à faire émerger à défaut d’un talent aigu à se mettre en scène
une certaine vérité, ne serait-ce que sur un pur plan humain. Et à focaliser le
questionnement non sur l’intendance mais sur le fond même du job. Ce qui n’est
pas rien quand on a pour mission d’élire un Monarque républicain.
Et puis bon, si pour finir on s’est
trompés sur notre choix ou s’ils se sont tous lamentablement plantés, au moins
on aura vécu ce petit plaisir de les avoir observés rôtir sur un vrai grill.
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