Aujourd’hui je cède la place avec
bonheur a une grande voix qui nous indique la voie a suivre. Je tache a mon
bout de faire comme elle, prendre de la hauteur, écouter le monde comme le
ferait un poète, et surtout espérer encore et toujours en l’homme dans ce qu’il
a de plus beau. La poésie nous sauvera. Voici donc ces mots. Merci Madame
D'abord objectivement parce qu'il est complexe. Ensuite, parce qu'il y a des enjeux colossaux à tenir pour immuables ses dysfonctionnements. Il est possible, pourtant, de remonter ses fracas, de fouiller ses énigmes, de le forcer à révéler ses promesses puis à les tenir. Mais alors, il faut vouloir. Le prendre à bras-le-corps. Le dépouiller de ces déguisements qui nous désorientent et nous tétanisent. L'explorer comme on fait le tour d'un jardin français, car il est, pour chacun d'entre nous, notre chez soi. Nous vivons en présence du monde. Il agit sur nos vies ou sur ceux qui agissent sur nos vies. Le monde est fini, les satellites nous le confirment, les poètes se glissent dans ses plis les plus discrets et resurgissent, éblouissants, pour nous offrir ses secrets d'ombres et de lumières. Il est fini, il a des rondeurs et des angles, des bosses et des aspérités, il est donc devenu préhensible. La crise est usée, elle a assez servi. Voilà trop longtemps maintenant qu'elle est la tenue de camouflage qui fait paraître inévitable une débauche de décisions prises hors des lieux politiques. Qu'elle fasse enfin place nette, et qu'apparaissent les ressorts des mécanismes qui broient et les mobiles de ceux qui tiennent la baguette du chef d'orchestre. C'est une expédition, qui commence par le lessivage des mots, par la restitution des histoires qu'ils dissimulent, par l'émerveillement devant l'immensité des possibles. C'est une rétrospection dans ce que des générations ont entrevu, pensé, forgé pour rendre non seulement concevable, mais réalisable, voire enthousiasmant, le fait de partager le même espace et, mieux encore, de se captiver pour l'improbable aventure de se vouloir un destin commun.
C'est la magie de la laïcité, celle qui concorde, pas son avatar qui discorde. L'épreuve est quotidienne, mais elle est fertile à surmonter. Evidemment, les embûches sont monumentales. Les trafiquants de l'angoisse sont en passe de réussir le casse du siècle. Ils font commerce de la peur, au sens propre du négoce. Ils y parviennent avec une certaine habileté et engrangent un incontestable succès. Qui pourrait les mener loin, dans ces zones où nous risquons les pires turbulences. Si nous les laissons faire. Pourtant, et parmi ceux qui y cèdent, nombreux le savent, fût-ce intuitivement, la peur, même mâtinée de rage, ne mène jamais nulle part. Ou plutôt si, dans le cul-de sac des amertumes stériles et des indignités. Sans aucun effet ni sur la réalité ni sur les réalités. Le monde, qui semble pris dans un tourbillon d'exclusion et de fragmentation, n'a pas épuisé toutes ses ressources. Il ne tient qu'à nous de le reprendre en main. De retrouver le sens de l'exaltation, celle qui nous fait maîtres de notre volonté, d'abord, de nos capacités, de ce qui fait de nous les acteurs de nos vies. Nous voir tels que nous sommes. Puissants ensemble. Percevoir la vitalité qui habite ceux que les malheurs, coalisés, poursuivent. Y admirer notre reflet. Retrouver le chemin de l'humanisme, malgré toutes les insuffisances, toutes les imperfections, toutes les intrigues et toutes les maladresses. Car, en dépit de tout, ''leurs chants sont plus beaux que les hommes'' (Nazim Hikmet). Et simplement parce que nous habitons la Terre.
Christiane Taubira – Nous habitons la Terre.
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