En démocratie 2.0, tout tractage sur
les marchés a tout du marketing à la papa. Les murs virtuels, transformés pour
l’occasion en déclarations d’amour quotidiennes à la marionnette de son choix.
Pour un défenseur de la liberté d’expression quelque peu circonspect sur
la réalité effective de ce qu’on nomme démocratie il y a la matière à distraction. Coupable sans doute, car sous l’indulgence et la tolérance pointe
l’ironie, et il me faut quotidiennement retenir ma plume de tremper dans le
sarcasme pour tamponner certaines affiches de quelques graffitis moqueurs.
Je m’en
préserve, vous l’aurez remarqué, estimant mes amies et amis libres non
seulement de leurs votes, mais de leurs pamoisons. Chaque jour ainsi puis-je découvrir
rigolard la dernière ode à Macon, le sonnet à Fillon, la sonate a Hamon, la symphonie
à Melenchon et la cacophonie à Couillofion. Et cela est fort distrayant, car d’entre
tous, je n’en choisis aucun ou plutôt les élimine tous et avec eux l’eau du
bain.
Pour avoir autrefois fait campagne
et longtemps voté je sais combien pendant on s’enflamme, combien de couleuvres
la gueule ouverte on avale en hurlant de jouissance, combien on s’emporte, on s’invective,
on tort le réel pour le faire entrer dans le chai de son petit credo du moment.
Et combien tel un ventriloque on devient parfois capable de psalmodier avec Lui
et En Son Nom d’une manière aussi infantile qu’adorablement sincère. Apres on déchante
car le réel est ce qu’il est, et le Héros enfermé en son palais déçoit tant que
pour continuer le chant il faut avoir avalé beaucoup de potion magique. Mais
les élans sont beaux et nobles les campagnes, qui précipitent les uns vers une
victoire en trompe l’œil et les autres sur les récifs de lendemains qui chantent.
Il est quelque chose en l’homme qui
en fait autant sa grandeur que sa petitesse, selon que l’on se place sur le
plan des idées ou de la mécanique des fluides : c’est cette propension
irrationnelle à croire et à se projeter au cœur de ses croyances, jusqu’à parfois
nier le réel dans ses dimensions les plus triviales. Car cette quête irréfléchie
d’un Deus Ex Machina qui chaque fois s’échoue n’en finit pas de recréer le même
appel des profondeurs, tel un métronome aussi régulier qu’amnésique.
C’est assez fou, plutôt stupide quand
on s’y arrête, mais beau aussi, je trouve, cette foi. Il y a une forme d’absolu
qui se recompose à chaque fois et qui empêche le nihilisme. Et comme dans toute
foi sincère le sublime dépasse souvent le grotesque. D’où, au-delà de mon
attachement à la liberté d’expression dans la forme la plus absolue, mon
respect envers celles-ci et ceux-là, je parle bien de vous qui quelles que
soient vos couleurs battez le pavé. Qu’elles sont belles les illusions avant
que d’être perdues, et quel beau chemin emprunté par celui qui s’y engage !
Contempler cela a distance, sourire aux lèvres et carte déchirée n’empêche
nullement d’apprécier le show se dérouler.
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