Le conformiste a des rêves mais ne
se donne point les moyens de les réaliser. Effraye comme attiré par la différence,
par ce qui sort du lot, par les artistes, il finit toujours par trancher au profit de la multitude et des
sentiers mille fois battus.
Tôt il aura choisi, plutôt que de se
frayer une route singulière, de s’intégrer, sans soupçonner dans les choix
conventionnels d’études et de métiers qu’il fera, combien il fera plus que s’y
ennuyer. Mais tout plutôt que prendre des risques et s’interroger en profondeur
sur ce qu’il désire. Quand viendra le temps de comprendre que ce moyen choisi
pour gagner sa vie a eu pour conséquence le sentiment profond de la perdre, il
se rassurera aussitôt en tournant sa tête à droite comme à gauche.
"Voyez comme
nous sommes nombreux" se défendra-t-il, trouvant dans le nombre l’excuse et le
paravent sans pouvoir a lui-même s’avouer qu’en ce nombre il ne se retrouve
plus. Car il est tel le Joseph K de Kafka, perdu dans un labyrinthe intérieur et
indesireux, profondément indesireux d’en trouver la sortie, de peur de la lumière qui le rendrait sans doute heureux.
Car la lumière pense-t-il l’aveuglerait
en le révélant a lui-même, en exposant ces retranchements, ces blessures, ces impasses, ces
manquements effectues a un âge ou tout pourtant est vraiment possible. Etait-il alors si vieux
pour avoir pris cette route qui l’a conduit ici, pourquoi alors avait-il pris
cette pose, ce masque ò combien raisonnable ? Que n’avait-il cédé à ces
folies qui alors s’offraient a lui ? Il y en eut pourtant, il les avait goutées,
elles l’avaient un temps attire, avant que de l’effrayer. Et il s’était retranche
dans une alcôve rassurante, et avait sagement suivi le chemin tracé, jusqu’à ce
jour ou …
Etait-il encore temps ? Etait-ce
seulement possible ? La somme des renoncements avait été telle qu’il s’était
lui-même convaincu que non. Faire demi-tour n’était plus possible, les rails étaient
traces, il fallait avancer, avancer droit avec les autres, dans ce même et
unique sens où l’on ne perçoit guère que la morne habitude, et où on ne ressent
presque plus rien... Qu'un coeur qui bat.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire