Je me demande comment le génial Goscinny
aurait traite la France version 2017. Quelque chose me dit qu’à la fin, après
des pages et des pages de combat avec les centurions romains et des tonnes et
des tonnes de poissons assénés par nos amis villageois sur la tête du voisin,
le banquet final de la page 44 aurait été tout différent. J’imagine bien que, lassé
par un tel vacarme, un bon quart de nos gaulois s’en serait allé cultiver ses
fraises loin des autres. Que le barde serait libre de couiner debout sur la
table, la chaussure dans la sauce du sanglier. Que la moitié du village restant
aurait accroche à l’arbre un tiers des autres. Et qu’une Bonnemine tirant pour
le coup vraiment la tronche, aurait rameuté son étal de poissons pour le
dessert.
Les français ont un art consomme du
pugilat, de la polémique, de l’affrontement avant toute négociation comme
probablement aucun peuple sur terre. Philippe d’Hiribarne (pour les
connaisseurs), l’avait fort justement démontre dans un ouvrage de sociologie des
années 80, La Logique de l’Honneur, en comparant notre culture à d’autres au
travers d’un cas d’école : la production d’une automobile. En France, le bloc
contre bloc prévaut, notre système politique bipartisan, celui-là que l’on
feint actuellement de détruire pour en reconstruire un à l’identique en est une
preuve éclatante. Il convient donc, dans cette culture qui est notre prise dans
son ensemble, non d’échanger, de dialoguer, de nous enrichir de nos différences
et de laisser la pensée lentement infuser, mais bel et bien d’imposer par la forcé
un point de vue, de vociférer, de caricaturer ce qu’on n’a point écouté, de
parler plus fort, bref : de faire taire toute différence, toute dissonance et
de marquer à la culotte par principe.
Dans pareil système aliénant, la philosophie
telle que nous l’enseigne Socrate, celle-là qui se détourne des réponses pour
mieux nous apprendre à incessamment questionner le réel, est évidemment impossible.
Et de facto, le vivre-ensemble tout autant, puisque par nature excluant. Seule
une autorité à poigne permet dans certains contextes bien précis un semblant d’union
nationale : de leur vivant nos plus grands dirigeants ont toujours été contestés,
et combien de français du XIXème siècle se sont satisfaits de l’exil de Victor
Hugo.
L’idéologie de tartuffes de nos élites
a ces trente dernières années dangereusement accéléré ce processus. Maquillant
leurs démissions et leur inculture sous des programmes mensongers écrits sous
powerpoint, mettant au pinacle des charlatans qualifiés de philosophes d’état, définissant
tels des urologues des lignes jaunes pour le bas-peuple en réécrivant les définitions
de certains concepts clefs de la nation (quid de cette laïcité et de ce féminisme
tels que défendus par Madame Badinter sinon une version radicalisée, excluante
voire raciste de ces mêmes concepts), ils ont créé au sein même du village de
nouvelles lignes de fracture ayant trait non seulement a la liberté d’agir et
de vivre mais de penser. Et ont ainsi excité en les insultant le germe dit extrémiste
chez le futur exclu, le qualifiant de sot, de benêt, de sous développé du
bulbe, de raciste et de xénophobe, jusqu’a vraiment le faire basculer de
ce cote-là.
Caricaturer et radicaliser conduit à
cela : ancrer dans la tête de celui qu’on manipule ce qu’hier il pensait à demi-mots.
Que les excommunicateurs lèvent le doigt, l’échec est avant tout le leur. Nous
n’avons pas élu des pantins pour nous dire quoi penser mais pour agir pour un
collectif dans lequel nous pouvons faire mieux que survivre. Qu’ils fassent
leur job, et s’ils ont échoué qu’ils s’en aillent définitivement. Le banquet de
la page 44 est devenu actuellement impossible pour quelqu’un aimant le calme et
la juste confrontation des idées. Les trolls ayant envahi le salon il n’y a d’autre
porte de sortie pour quiconque aime la vie et son pays que de quitter la table.
Et d’aller retrouver dans les champs celles et ceux qui comme lui goutent a ce
plaisir singulier que d’être vraiment ensemble.
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