Il aura fait toute sa carrière à l’ombre des autres, en se rapprochant de
plus en plus du soleil. A sa mine de gendre provincial bien peigné qui ne
cherche pas à se pousser des coudes pour figurer au centre de la photo, aucun
d’entre eux ne s’en est méfié. Il les aura pourtant presque tous trahis, les
uns après les autres.
Le petit chose se rêvait Roi. Sa passion pour la course automobile aurait
dû les mettre sur la piste. Non, ce « collaborateur » ne roulait
aucunement pour eux mais pour lui même. Enfermé tel un personnage de Mauriac en
lui-même, ce catholique de type doloriste qui se reconnaissait tant dans
l’adage : « souffre d’abord et récolte ensuite » n’avait aucune
envie d’attendre le passage à trépas et l’oraison funéraire pour toucher ses
dividendes.
De Philippe Séguin, dont il fut longtemps l’ombre et le porte-parapheur, il
trahit tous les idéaux avant même que la terre ne recouvre le cercueil du grand
homme. Celui-ci devait j’imagine les dernières années pester contre les prises
de position ultralibérales de celui qui osait se proclamer son plus fidèle
dauphin, un peu comme un croquemort envoie l’Ankou à ton domicile après t’avoir
récité le Notre Père.
Récupéré par Chirac, il se hissa sournoisement jusqu’à
finalement exploser en plein vol du fait d’une réforme des retraites hâtive qui
aura mis la France dans la rue. Sacrifié au nom du réalisme politique, le
reconnaissant chambellan persiflera son fiel dans la presse, avec cette maxime
qui nous paraît avec le recul ô combien non seulement ridicule, mais à la
hauteur de la fatuité dudit personnage : « De ce quinquennat on ne
retiendra que mes réformes »
Opportuniste de type discret, jamais aussi habile pour caresser dans le
sens du poil les fats, il conquit quelque temps la curiosité sarkozyste en lui
apportant, outre un vernis de bienséance qui lui manquait, ce sérieux qu’on
prête sans forcément vérifier aux gens bien peignés qui font aussi sérieux
qu’un commissaire aux comptes. Promis à Matignon, notre orgueilleux sarthois
revint enfin dans les Palais, là où l’on peut sans rendre de comptes dépenser à
tout va. Il est vrai qu’à l’ombre du Roi du Bling Bling, ses excès (fort
nombreux) se remarquèrent à peine.
Retrouvant là une forme de souffrance bien catholique suite aux régulières
vexations du Prince, il n’eut pourtant de cesse que de s’acoquiner avec la
majorité les rassemblant, celle-ci voyant d’un meilleur œil cet austère abbé
provincial parlant leur langage et partageant leurs mœurs que le vulgaire
suzerain trépignant qui leur faisait honte.
Ainsi parvint-il à force de manigances à se maintenir à son poteau de gibet,
tout en continuant à encaisser tous les émoluments officiels et annexes de la
fonction.
Jusqu’à l’échec annoncé de 2012. Là, n’attendant pas qu’on ait refermé le
cercueil, il commença à cracher son fiel publiquement, ne faisant ainsi que
répéter tout haut ce que pendant cinq ans il avait postillonné tout bas. Le
maroquin étant à prendre, il se positionna, et la droite orpheline eut tôt fait
de le mettre en tête de ses vœux de rebond. Las, trop pressé et trop confiant,
notre coureur automobile fit une mauvaise chute, passa sa campagne armé d’une
béquille, et se fit souffler la victoire annoncée par un vrai maffieux au culot
inébranlable. Pleurnichant à tout va sans oser renverser la table, notre abbé
disparut alors des radars et s’en alla retrouva sa tisseuse Pénélope dans son
modestes manoir sarthois.
Gonflé de bile, il observa conjointement le retour surmédiatisé du plus
vulgaire d’entre nous et la mise sur orbite du Duc d’Aquitaine pendant près de
trois interminables années. Qu’il occupa, tel une fourmi, à labourer sa terre,
celle de la Manif pour Tous, cette France immortelle qu’il retrouvait depuis
toujours à la messe et qui n’avait aucun secret pour lui.
Celle-ci finit par reconnaître un des siens, et mobilisant ses réseaux le
fit à la surprise générale coiffer tout le monde aux primaires de ce parti dont
il avait quatre ans auparavant échoué à prendre la tête.
A peine intronisé on commença de près à s’intéresser à ce que le supposé
ectoplasme avait pondu. Et là on se pinça à peu près sur tous les fronts :
Monsieur Gendre nous promettait Thatcher avec 35 ans de retard. A peine
désigné, il devint la cible à abattre, et tous se ruèrent sur ses blancs
mollets.
Ce fut un canard, pas si enchainé que ça au final, qui dès le début de
cette année trouva la faille dans le chandail et s’y engouffra. Le chevalier
blanc, nous révéla le palmipède, était en définitive aussi crasseux que les
plus crasseux qui l’avaient précédé, et un chouia plus hypocrite.
Ce fut le début de l’hallali. Certains en son camp sonnèrent le tocsin,
mais l’animal ayant tant attendu son moment n’était pas bête au point de vendre
sa peau chèrement payée. Il trépigna, éructa, montra ses muscles, sonna la fin
de la récré. Et se déjugea tant et tant qu’au bout de quelques maigres semaines
ne réussit rien mieux que créer en son sein une révolution de palais, d’où il
ressortira forcément d’ici peu que le sacrifice du collaborateur devenu
apprenti roi n’est en rien optionnel.
Pauvre Abbé : abandonné de tous, livré en pâture à une populace
déchainée, sourd aux sirènes des plus raisonnables de ses amis, le voilà qui
erre telle une âme perdue dans les rangées de la sacristie, quémandant aide et
grâce sans rien comprendre à ce qui lui est reproché. Tant il est vrai que ce
grand serviteur de l’Etat n’a jamais appris qu’à trop pêcher les mains repliées
dans la soutane, on n’en redoute pas moins la foudre de Dieu.
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