jeudi 2 mars 2017

La chute de l'Abbé Fillon (une tragi-comédie du pouvoir)


Il aura fait toute sa carrière à l’ombre des autres, en se rapprochant de plus en plus du soleil. A sa mine de gendre provincial bien peigné qui ne cherche pas à se pousser des coudes pour figurer au centre de la photo, aucun d’entre eux ne s’en est méfié. Il les aura pourtant presque tous trahis, les uns après les autres.

Le petit chose se rêvait Roi. Sa passion pour la course automobile aurait dû les mettre sur la piste. Non, ce « collaborateur » ne roulait aucunement pour eux mais pour lui même. Enfermé tel un personnage de Mauriac en lui-même, ce catholique de type doloriste qui se reconnaissait tant dans l’adage : « souffre d’abord et récolte ensuite » n’avait aucune envie d’attendre le passage à trépas et l’oraison funéraire pour toucher ses dividendes.

De Philippe Séguin, dont il fut longtemps l’ombre et le porte-parapheur, il trahit tous les idéaux avant même que la terre ne recouvre le cercueil du grand homme. Celui-ci devait j’imagine les dernières années pester contre les prises de position ultralibérales de celui qui osait se proclamer son plus fidèle dauphin, un peu comme un croquemort envoie l’Ankou à ton domicile après t’avoir récité le Notre Père. 

Récupéré par Chirac, il se hissa sournoisement jusqu’à finalement exploser en plein vol du fait d’une réforme des retraites hâtive qui aura mis la France dans la rue. Sacrifié au nom du réalisme politique, le reconnaissant chambellan persiflera son fiel dans la presse, avec cette maxime qui nous paraît avec le recul ô combien non seulement ridicule, mais à la hauteur de la fatuité dudit personnage : « De ce quinquennat on ne retiendra que mes réformes »

Opportuniste de type discret, jamais aussi habile pour caresser dans le sens du poil les fats, il conquit quelque temps la curiosité sarkozyste en lui apportant, outre un vernis de bienséance qui lui manquait, ce sérieux qu’on prête sans forcément vérifier aux gens bien peignés qui font aussi sérieux qu’un commissaire aux comptes. Promis à Matignon, notre orgueilleux sarthois revint enfin dans les Palais, là où l’on peut sans rendre de comptes dépenser à tout va. Il est vrai qu’à l’ombre du Roi du Bling Bling, ses excès (fort nombreux) se remarquèrent à peine.

Retrouvant là une forme de souffrance bien catholique suite aux régulières vexations du Prince, il n’eut pourtant de cesse que de s’acoquiner avec la majorité les rassemblant, celle-ci voyant d’un meilleur œil cet austère abbé provincial parlant leur langage et partageant leurs mœurs que le vulgaire suzerain trépignant qui leur faisait honte.

Ainsi parvint-il à force de manigances à se maintenir à son poteau de gibet, tout en continuant à encaisser tous les émoluments officiels et annexes de la fonction.
Jusqu’à l’échec annoncé de 2012. Là, n’attendant pas qu’on ait refermé le cercueil, il commença à cracher son fiel publiquement, ne faisant ainsi que répéter tout haut ce que pendant cinq ans il avait postillonné tout bas. Le maroquin étant à prendre, il se positionna, et la droite orpheline eut tôt fait de le mettre en tête de ses vœux de rebond. Las, trop pressé et trop confiant, notre coureur automobile fit une mauvaise chute, passa sa campagne armé d’une béquille, et se fit souffler la victoire annoncée par un vrai maffieux au culot inébranlable. Pleurnichant à tout va sans oser renverser la table, notre abbé disparut alors des radars et s’en alla retrouva sa tisseuse Pénélope dans son modestes manoir sarthois.

Gonflé de bile, il observa conjointement le retour surmédiatisé du plus vulgaire d’entre nous et la mise sur orbite du Duc d’Aquitaine pendant près de trois interminables années. Qu’il occupa, tel une fourmi, à labourer sa terre, celle de la Manif pour Tous, cette France immortelle qu’il retrouvait depuis toujours à la messe et qui n’avait aucun secret pour lui.

Celle-ci finit par reconnaître un des siens, et mobilisant ses réseaux le fit à la surprise générale coiffer tout le monde aux primaires de ce parti dont il avait quatre ans auparavant échoué à prendre la tête.

A peine intronisé on commença de près à s’intéresser à ce que le supposé ectoplasme avait pondu. Et là on se pinça à peu près sur tous les fronts : Monsieur Gendre nous promettait Thatcher avec 35 ans de retard. A peine désigné, il devint la cible à abattre, et tous se ruèrent sur ses blancs mollets.

Ce fut un canard, pas si enchainé que ça au final, qui dès le début de cette année trouva la faille dans le chandail et s’y engouffra. Le chevalier blanc, nous révéla le palmipède, était en définitive aussi crasseux que les plus crasseux qui l’avaient précédé, et un chouia plus hypocrite.

Ce fut le début de l’hallali. Certains en son camp sonnèrent le tocsin, mais l’animal ayant tant attendu son moment n’était pas bête au point de vendre sa peau chèrement payée. Il trépigna, éructa, montra ses muscles, sonna la fin de la récré. Et se déjugea tant et tant qu’au bout de quelques maigres semaines ne réussit rien mieux que créer en son sein une révolution de palais, d’où il ressortira forcément d’ici peu que le sacrifice du collaborateur devenu apprenti roi n’est en rien optionnel.

Pauvre Abbé : abandonné de tous, livré en pâture à une populace déchainée, sourd aux sirènes des plus raisonnables de ses amis, le voilà qui erre telle une âme perdue dans les rangées de la sacristie, quémandant aide et grâce sans rien comprendre à ce qui lui est reproché. Tant il est vrai que ce grand serviteur de l’Etat n’a jamais appris qu’à trop pêcher les mains repliées dans la soutane, on n’en redoute pas moins la foudre de Dieu.  



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