Après trois mois et demie ici, au Brésil, à vivre au milieu des brésiliens,
ce cadeau en guise d’au-revoir avant le passage au Paraguay : les chûtes
d’Igaçu. Un des sites naturels les plus exceptionnels au monde, classé au
patrimoine de l’UNESCO. Un ensemble de 275 cascades en pleine forêt tropicale,
partagées sur les territoires brésiliens et argentins.
Face à ce spectacle majestueux, démesurément majestueux, une émotion,
immense, qui m’envahit. Dieu que la Nature est belle ! Aucune œuvre
humaine n’égale ce spectacle puissant que j’ai vécu ce jour, aucune. Planté
devant comme un insecte, les yeux écarquillés, je me suis senti soulevé de
terre et conduit au cœur des plus ancestrales croyances, celles-là qui sont
miennes. Foi en la Nature, Foi en l’immense beauté de cette Terre qui nous
accueille et à qui nous devons tout. Que notre civilisation occidentale ait pu
à ce point ces trente dernières années la détruire, et avec elles tous les
êtres vivants, arbres, forêts, océans, air, continents, animaux, hommes –
comment des êtres humains ont pu, pour de l’argent, oser faire cela, et pour
quel résultat final y compris pour eux ! Que ne viennent-ils ici se
recueillir, ces fous destructeurs, et face à l’immense chute du Diable demander
humblement pardon ? La folie des hommes m’apparaît à ce point démesurée,
oser s’affronter à cela, à cette nature aussi sublime qu’implacable qui à tout
moment peut se retourner contre nous. Et qui d’ailleurs, si l’on y regarde de
près, s’est énormément déchainée ces toutes dernières années.
Je me tiens face à elle, les bras ouverts. Sens cette énergie, puissante et
légère, me soulever. Le bruit assourdissant des eaux qui grondent m’ensorcèle.
Je reste là un temps infini, sur cette passerelle, faisant face à la Chute du
Diable, humblement recueilli. Ferme les yeux, longtemps, cœur ouvert, âme
pesant le poids d’une plume. D’une inspiration puiser force, d’une expiration
expulser les tensions du dedans. La masse implacable vrombit, déchaine ses
torrents d’eau tombant du ciel et créant des tourbillons prompts à réduire en
cendres tout contrevenant. Je sens mes genoux fléchir à mesure que mes bras s’ouvrent
en croix, une force surnaturelle me pousse visage contre terre, tel un pénitent
désarticulé. En cette Eglise nul pardon, nulle homélie, nulle salvation. Ce
Dieu-là est aussi puissant qu’aveugle. Et le feu qui jaillit de ses entrailles
crépite de colère.
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