Suivre à distance l’actualité française via les médias donne envie de se
pendre. 70% d’infos anxiogènes, 30% de futilités. Pourtant quand on aime et
qu’on connaît bien ce grand pays, on sait qu’il regorge de gens formidables qui
dans plein de domaines réalisent chaque jour des choses magnifiques à petite,
moyenne ou grande échelle. Des artistes bourrés de talent inconnus au
bataillon, des petits entrepreneurs fourmillant d’idées neuves, des gens qui se
mettent au service des plus démunis, des agriculteurs qui réinventent une
alimentation saine, des inconnus dont le métier ou la mission sont d’instruire,
d’élever, de soigner, de rééduquer, d’aider les autres à se relever. Tant
d’autres exemples…
Pourtant de ceux-là, si nombreux, nos médias ne parlent pas.
A quoi bon poser son regard sur ce qui va dans le bon sens, sur la bonté, sur
la beauté qui se donne à voir et à vivre ? Mieux vaut asservir par la
peur, et donc effrayer, agacer, diviser, polémiquer, mettre le zoom sur tout ce
qui détourne de cet objectif tout simple pour nos possédants : réussir un
lavage de cerveau collectif pour ensuite palper.
J’admire et respecte ces jeunes générations à qui l’on n’a pas demandé quel
monde ils voulaient, et qui entrant dedans de plein pied avec toute la légèreté
dont on est capable à cet âge là, décrètent que le week end leur appartient, et
s’en vont en plein air danser dix heures durant sur des musiques planantes en
gobant une petite pilule : eux ont la recette, bien mieux que ma
génération. Ils nous disent : je me loue la semaine, mais je garde le
reste et je n’en pense pas moins. De notre gravité dénuée de profondeur ils font peu de cas. Et ils ont bien raison.
Il y a pour moi qui ai atteint la cinquantaine une ardente obligation, que
j’ai la chance de vivre enfin : cette décennie-là doit être celle de la
sérénité ou ne pas être. A quoi bon avoir avancé en âge si c’est pour se
replier sur ses certitudes, vivre dans la peur, le déni, le rejet de l’autre ou
de certains d’entre eux, le repli sur soi et sur ses petites possessions et
habitudes ? Si c'est pour se ratatiner en aigreurs d'estomac ?
Le sens de l’existence tel que je le conçois et tel que je l’ai vécu est
simple. Pour l’enfant, la vie se confond avec ses rêves. L’adolescent confronte
cet état d’esprit à la réalité qu’on lui oppose et se bat pied à pied. Le jeune
adulte tâche de s’y accrocher et lâche du lest. L’adulte trentenaire s’épanouit
dans une forme d’obéissance positivée. Le quadragénaire commence à interroger
cette chaîne tout en hésitant encore à l’ôter. Le quinquagénaire passe à l’acte,
et prépare ainsi les conditions nécessaires à ce que son troisième âge soit
celui de la sérénité et de la transmission aux jeunes générations.
Il me semble que bien des inversions aient été en bien des endroits
effectuées, qui ont eu pour conséquence de rompre cette chaîne générationnelle
qui tenait mieux avant qu’en ces temps de modernité où le jeune est à la fois
le modèle et l’esclave, et où l’ancien est soumis tout en tenant la chaîne et
les rennes. Tout du moins, tel est le modèle qu’offrent les classes
dominantes et le haut de la pyramide à un peuple qui heureusement ne s’en
laisse pas toujours conter.
Le climat d’un pays (c’est-à-dire l’atmosphère – et donc ce qu’on met en
avant, ce qu’on médiatise) induit beaucoup sur les comportements et les
savoir-êtres. Ici, au Brésil, les gens de toute génération qui marchent dans
les rues se sourient, se saluent, ne se bousculent pas, ne marchent pas vite.
Ils sont apaisés et apaisants, cela se ressent physiquement. Peu de voitures
klaxonnent. Même bourrés, les gens ne deviennent pas violents, du moins c’est
assez rare. Il règne un climat qui conduit à ça, à ce sentiment intérieur de
paix, et un éloge de la lenteur dans la vie quotidienne qui fait un bien fou.
On laisse passer la personne âgée, l’enfant qui te marche sur le pied se
retourne et s’excuse en souriant. Les voitures conduisent un peu n’importe comment
mais il n’y a presque jamais d’accident : la société est fluide et on
n’emmerde pas les gens avec des règlements pour tout et n’importe quoi.
Tout concourt donc à encourager voire à susciter cette sérénité dont je
parlais auparavant. Créée intérieurement, elle est extérieurement partagée par
tout un peuple, et c’est magique. C’est bien la preuve que c’est possible, mais
pas partout de la même façon. Et dont que les causes d’un mal être ne sont pas
qu’intérieures. C’est ce que savent ou sentent ceux des villes qui soudain
partent vivre à la campagne. Eux aussi cherchent ça, et à un moment de leur vie
ce qui n’était qu’un vague projet devient une ardente nécessité. Reprendre les
rennes. Oter ses chaînes. Ne pas devenir ses problèmes, évacuer les peurs et
les entraves. Et revenir à la source de ce qu’on aime en soi et qu’on sait bel
et bien là.
Merci Christophe pour cette excellente analyse pleine d'amour et d'espoir.
RépondreSupprimerLes jeunes qui s'en sortent sont ceux qui ont une passion dont on leur donne les moyens de la concrétiser...
Merci merci
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