J’ai eu l’occasion récemment de rencontrer de nombreux jeunes, australiens,
allemands, sud-américains etc… âgés d’à peine 25 ans qui, sitôt leur diplôme en
poche, s’en sont allés aussitôt découvrir le monde en prenant une année
sabbatique.
Echangeant avec chacune et chacun d’entre eux, je pus comprendre
que tous ces itinéraires individuels avaient été mus par la même grille de
lecture comme par le même élan. Ce « monde-là » qui leur était imposé
et leur imposait une fonction d’assignation asservissante, ils l’acceptaient
tout en le tenant à distance. Se donner des objectifs, choisir une filière,
obtenir un diplôme, exercer un métier, vivre une petite vie dite
« normale » car normée, consommer : oui. Mais en apparence
seulement. Car au-dedans la chaîne à peine posée au pied est déjà en passe
d’être ôtée.
Alors OUI, partir sitôt le sésame en poche à l’aventure, seul ou
en couple, avec trois fois rien, un sac à dos, quelques maigres économies, une
aide de papa-maman éventuellement. A la découverte de cet univers inconnu, de
ce monde que cette « vie normale » tiendra à distance faute de temps.
Et y puiser, dans le cœur même de ce saut de l’ange dans l’inconnu, les germes
d’une rébellion intérieure, d’une capacité à s’émanciper quand l’âge adulte la
rendra possible.
Les discours qu’ils m’ont tenus sur ces métiers qu’ils
s’apprêtent à exercer pour de grandes firmes et dont ils sont censés tout
ignorer m’ont laissé confondu : quelle clairvoyance ! Ils en savent
tellement davantage que leurs parents, ils ont vu ceux-ci signer des quatre
mains, ramper, tomber, se relever, tomber encore… Les petits bouts-de-choux
hauts comme trois pommes qu’ils étaient ont perçu la supercherie et développé
les bons anticorps. Il y a là de quoi s’émerveiller devant ces maturités d’avant
l’heure. Cette génération-là est vraiment celle qui va collectivement nous
sortir du jeu, elle en a les capacités, la méthode, le courage, la
perspicacité.
C’était il y a un peu plus de trois mois. Ces rencontres-là, qui étaient
loin d’être les premières que j’avais faites avec cette génération-là à propos de
cette expérience là, furent nombreuses. Une vingtaine, sur un mois : en
auberge de jeunesse il y a comme un effet concentration. J’ai eu hier l’un d’entre
eux, un jeune homme de nationalité belge, un garçon formidable, rayonnant, très
paisible. Il était rentré à Bruxelles depuis deux mois, il m’a raconté, le
froid, la peur ambiante, la difficulté à se réinsérer après un an au soleil.
Je
lui ai conté, la suite de notre périple au Brésil, puis ici, au Paraguay. A la
fin il m’a dit : tu sais, d’ici trois ans, ce job d’ingénieur, je le
lâche. Et ma copine, pareil. On en veut pas de cette vie-là, alors puisqu’on
est deux et puisqu’à deux on y voit clair eh bien on se lance à deux et on se
donne trois ans. Ils nous paient plutôt pas mal, ceux qui viennent de nous
recruter. On a décidé de rester chez nos parents, pendant trois ans on se serre
la ceinture et on met de côté. Et puis après, on fait comme vous. On repart à l’aventure.
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