Un
coup, puis deux. Forts. De plus en plus forts.
Il
ouvrit un œil. Volets clos.
Tâcha
de se redresser, et n’y parvint pas.
La
porte. La porte qu’on tente d’enfoncer
Quelle
heure ? Mal… Qu’est ce qui s’est passé, déjà ? Les draps, tâchés
d’urine et de quelques gouttes de sang. Ca pue. Horrible. Envie de vomir, ça
remonte, des égouts. Fort. L’odeur. La sienne. Insupportable.
« Monsieur.
Monsieur. Chronopost. C’est Chronopost »
Merde !
Je suis nu. Tâches de sang. De sperme. Le chien a dû vomir ou quelque chose
d’autre. A terre : la seringue.
Un
drap. Se recouvrir d’un drap. Se lever. Ouvrir.
Il
se lève. Prend le drap. S’en recouvre. Marche. Butte sur la seringue. Se pique.
Retient le cri.
Merde.
Ouvre
la porte.
Ca
parle, comprends pas. Oui je signe. Prends. Ok je prends. Quoi ? C’est
quoi ? Lourde la tête.
La
porte claque.
Il
se traîne, tombe, se redresse. Crache. Va à tâtons vers la salle de bain.
Allume le robinet d’eau froide. Ca coule. C’est froid. Ca réveille. La tête qui
tourne.
Il
vomit.
Se
traine vers la chambre à nouveau. Lentement cherche la manette. Tourne.
Lumière, tout en bas, rai de lumière. Il tourne comme un forcené. Le jour est
là.
Il
tombe. De tout son poids. A terre.
Demeure
ainsi. Quoi ? Qu’est ce qui ya ?
Lorsqu’il
s’éveille, le paquet est là. Devant lui. Des ténèbres il distingue son nom,
écrit en gros caractères d’imprimerie. Et puis…
Ca
n’a fait qu’un tour. Un coup, abrupt, au cœur. Là, oui. C’est…
Se
précipite. Déchire, Déchiquète. Trépigne. Le carton résiste un peu. Le scotch
aussi. Il déchire tout, avec ses dents, se coupe, du sang sur le parquet blanc.
Au
sol, trois. Trois livres. Non, quatre.
Un,
deux, trois, quatre.
Il
prend le premier… « Apo… ». Non, il ne voit pas clair, rapproche le
livre
Apocalypse.
Apocalypse.
Il
répète.
Puis,
au dessus, juste au dessus du titre …
Lui.
Lui.
Il
… ouvre, frénétiquement, feuillette, à arracher les pages, les interroge en hurlant
du dedans : dis ! Dis ! Dis !
Puis
voit.
La
petite enveloppe.
Au
sol. Sous les livres.
Il
lit, sur l’enveloppe. Son nom.
VALERIAN
C’est écrit. En lettres capitales.
C’est écrit. En lettres capitales.
Il
souffle, et étouffe un sanglot.
Sa
main déchire l’enveloppe, déchire la lettre en son milieu, il hurle de rage,
puis la sort, coupée en deux.
Pose
à terre les deux morceaux.
Et lit.
Et lit.
« Mon
frère
Tu
aimes, je sais, les histoires. Tu n’aimes pas la vie. Tu n’aimes pas ta vie,
que tu occupes à t’en conter et à en faire, des histoires. Des histoires à la
con. Mais des histoires quand même. Car tu aimes les histoires.
Un
an que nous ne nous sommes vus. Un an ! Que ce fut long ! Que ce fut
dur ! Pas un jour sans… Mais
non : je ne te dirai pas ce que tu ne sais pas entendre. Qu’importe.
Cette
histoire, Valérian, cette histoire. NOTRE histoire. La tienne. La mienne aussi.
Elle est là. En tes mains. Pour toi.
Pour
toi.
Un
an. Un an il m’a fallu. Pour l’écrire. Pour te l’écrire. Que pour toi.
Un
an que pour ça je n’ai pas répondu. Pas appelé. Pas ouvert la porte. Pas parlé.
Rien. Pas un mot.
Pas
un.
Tout
était là. Tous mes mots. Un an que je n’ai pas parlé. Ni à toi. Ni à personne.
Et un an que sans m’arrêter je vis avec eux. Mes mots. Mes mots à moi.
Mes
mots pour toi.
Lis.
Lis sans tarder. Lis, je t’en prie. Lis !
Je
pleure, quand j’écris ça. Mon stylo pleure du sang ! Car il y a là de
quoi, peut être arrêter … Oh non, pas nous retrouver ! Crois moi, je ne
t’en veux pas. Tu es mon frère, et je t’aime. Je t’aime vraiment. Pour qui tu
es. Tu ne donnes pas. Mais je m’en fiche.
Je sais de quoi tu n’es pas capable. Je n’attends rien.
Je
suis si loin - d’ailleurs.
Ailleurs.
Tu
sais, mon Valérian, que ton frère voit. Tu le sais. Tu ne le sais que trop. Tu
le sais tellement que c’est ça qui nous a définitivement séparés. Peu importe
le mal que j’ai, peu importe.
Oublie
ça.
Peut
importe ce que tu as pensé. Ce que tu as dit. Ce qui me fut parfois répété.
Tout ça : rien ! Forget ! Pardonné ! On s’en fout !
Ecoute
moi. Une dernière fois.
Ecoute
ton frère qui t’aime, et qui est loin, et qui est là.
Valérian.
Mon cher Valérian. Mon frère. Mon aimé. Je te vois. Je n’ai cessé de te voir.
Jusqu’à aujourd’hui, alors que je suis si loin je te vois. Tu es à terre.
Autour de toi, la boue, le sang, la glaise. Tout est détruit en toi. Tout – ou
presque. Tu crois que tu ne peux pas encore…
Je
sais.
Je
sais. Ton bras, mon frère. Ton bras est armé. Tu as avec toi l’arme. Tu es
prêt. Tu es à deux doigts, de presser. Presque. J’arrive juste à l’instant où
tu vas sortir l’arme. Je sais. Depuis un an, je sais. Je vois. J’ai vu. Il y a
un an.
Un
an !
Retiens !
Retiens ton bras. Attends. Juste un peu. Attends. Il y a là quatre livres.
Regarde, c’est mon nom dessus. Tu vas les prendre un à un, dans l’ordre. Tu vas
rester chez toi, enfermé à double tour. Ne fais rentrer personne. Promets
moi ! Surtout pas lui ! Surtout ne le fais pas rentrer avant que
d’avoir lu le dernier mot du dernier chapitre du dernier tome.
Si
jamais tu ouvres avant ta porte, avant le dernier mot, alors… Alors…
Si
jamais tu lui ouvres….
Ne
tarde pas. Prends le livre. Prends le premier livre. Avale un café. Et lis le.
D’une traite. Et dès que tu l’as fini, attaque le second. Et puis le troisième.
Et puis le dernier. Passe y deux jours sans dormir s’il le faut.
Ne
t’arrête pas.
Prends
le temps qu’il te faut. Car après ta lecture, que tu l’arrêtes ou non, du temps
tu n’auras plus.
Après
il n’y aura plus de temps du tout pour toi.
Il
y aura autre chose.
Mais
il n’y aura plus de temps.
Mais,
selon que tu aies lu ou pas, selon que tu aies compris ou pas, et même si ta
vie s’arrête ici bas, tout sera radicalement différent.
Ton
frère qui t’aime
Expedit »
Valérian
retint son souffle.
Regardant
dans le vague
Au
dehors la montagne tremblait.
Cela
faisait des jours qu’on annonçait le déchainement du volcan.
Il
chercha sur les couvertures un signe.
Et
vit, écrit :
« Livre
1 »
Se
saisit de l’ouvrage.
Approcha
la couverture
Et
lut :
SUN
DANCE
LIVRE 1
GENESE
LIVRE 1
GENESE
http://www.thebookedition.com/fr/sundance-livre-1-genese-vol1-p-343871.html?search_query=sundance&results=2
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